Quatre ans après, l’hommage aux victimes des attentats de janvier 2015

Ce lundi 7 janvier 2019, une délégation officielle, et des proches des victimes des attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Casher, survenus les 7 et 9 janvier 2015 se sont recueillis dans les trois lieux des attentats.

Sur les antennes du groupe Radio France également :


Editions spéciales, reporters tous terrains, antenne bousculée…. Les auditeurs avaient réagi auprès du Médiateur des antennes en ce triste janvier 2015

1ere critique : des auditeurs estiment que les journalistes ont créé un climat de tension. Certes. Mais la tension était, comment le nier, réelle, palpable dans le pays. Quel ton adopter ? Un nombre conséquent de messages constate – et parfois nous reproche- d’avoir été dans l’émotion plus que dans la stricte information. De ne pas prendre de distance.Les journalistes ont donné beaucoup de détails. Trop ? Cela ne nuit-il pas au travail de la police ? Faut-il s’en soucier ? Les textes qui encadrent l’éthique de la profession insistent sur le fait que le journaliste ne doit pas confondre son rôle avec celui d’un policier. Mais nous pouvons témoigner ici que tout au long des événements, les rédactions de Radio-France se sont posé la question de savoir ce qu’il convenait de rendre public. Et de choisir le moment opportun pour le faire. Certaines informations connues et vérifiées n’ont été annoncées que lorsque les rédactions ont considéré qu’elles ne mettaient pas en péril la sécurité des personnes. Qui faire réagir sur les antennes ? Selon les auditeurs, il aurait manqué, jusqu’à au moins dimanche, la parole de ceux que ne disent pas : « Je suis Charlie »Nombre d’auditeurs abordent de manières radicalement différentes la question du blasphème . Pour rappeler que ce que certains croyants appellent blasphème n’est plus un délit en France. Et pour nous inciter aussi à travailler ce thème. Quelle est l’histoire de ce délit? Comment les autres pays abordent-ils la question ? Et d’ajouter : Les antennes ne devraient-elles pas plus souvent solliciter les figures morales que sont les représentants des différentes confessions pour commenter l’actualité et notamment les questions de société ? France Culture ne devrait-elle pas ouvrir ses émissions dominicales à l’islam ? D’autres suggèrent : « Ouvrez les antennes non pas aux institutions religieuses mais à des décrypteurs des textes religieux ». Faire l’histoire des religions tout autant que faire parler les religieux.

Quelques messages demandaient aussi : « Y a-t-il des différences dans la liberté d’expression ? » Et de prendre l’exemple de Dieudonné. La réponse est, nous semble-t-il, dans loi, qui encadre la liberté d’expression. Le champ de l’expression est très large en France, mais très balisé, notamment par les textes qui traitent de l’injure, de la diffamation, du racisme, de l’antisémitisme.

Plusieurs messages insistent sur le poids des mots. Pourquoi dire « les djihadistes » et pas « les tueurs » ? Reprendre leur terminologie reviendrait à accréditer la pertinence de leur combat. Pour nommer les victimes, dire « Juifs de France » relèverait du vocabulaire pétainiste comme en témoigne l’exposition sur la collaboration aux archives nationales, nous dit un auditeur. D’autres font remarquer que dire « Juifs français » exprimerait le fait qu’ils sont Juifs avant que d’être Français. « Français de confession juive » oublierait que l’on peut être né Juif mais être athée. Que signifie « Communauté juive » ? Est-on condamné à une appartenance ? Ainsi, autre exemple, à Beaucaire, face au FN, des jeunes gens protestaient. On a entendu sur nos antennes parler de « jeunes arabes ». Qu’est-ce que ça veut dire ? N’étaient-ils pas d’abord des « jeunes Français » ? Fallait-il dire « des jeunes » sans les caractériser ? Des « jeunes de la 3ème génération de l’immigration maghrébine » ? Peut-on parler de « musulmans modérés », comme on l’entend encore? Pas facile de nommer, n’est-ce pas ?

Il y a la question délicate de la hiérarchie des morts : Ceux qui nous ont écoutés attentivement (et qui saluent pour la plupart nos efforts), pointent notamment le fait que dès que l’on a su que quatre dessinateurs historiques et célèbres figuraient au nombre des personnes assassinées, les autres victimes seraient passées au second plan. Deux policiers ont « aussi » perdu la vie, a-t-on dit alors. Eux n’ont pas eu droit à leur biographie le soir même. Et que dire de l’agent d’accueil et du maquettiste assassinés. Et de résumer : alors… 1) les célébrités, 2) les policiers symboliques de l’intégration réussie, 3) les policiers lambda, 4) les journalistes pas célèbres, 5) les petites mains, 6) les autres dont on ne sait rien. Cela au moins fut vrai pour la journée de mercredi. C’est un fait, mais n’est-il pas illusoire de croire que, si toutes les morts sont douloureuses, si tous les assassinats sont condamnables, toutes les biographies se vaudraient à l’aune de l’information ? Cabu et Wolinski, pour ne parler que d’eux, ont marqué l’imaginaire et la culture de notre pays depuis plus de quarante ans. On peut revendiquer le fait que rappeler leur parcours s’imposait. Du moins dans un premier temps. Car les journalistes ont ensuite fait leur travail pour chercher à savoir qui était tombé sous les balles des tueurs. Les portraits se sont affinés. Pour nous aider à comprendre et à caractériser le geste de ces tueurs. : Ils frappaient des journalistes, des policiers, des juifs.

Enfin, les drames de la semaine écoulée ont souvent occulté sur les antennes le reste de l’actualité. Dès l’annonce d’une attaque contre Charlie Hebdo, les rédactions ont immédiatement braqué les projecteurs sur l’événement. N’y avait-il plus rien d’autre qui comptait? La démission de Thierry Lepaon et de la direction de la CGT est passée presqu’inaperçue, alors qu’elle aurait sans nul doute fait les gros titres un autre jour. Plus important, plus grave, nous dit-on, les attaques de Boko-Haram au nord du Nigeria qui ont vu la destruction d’une vingtaine de villages totalement rasés, qui se sont soldées par des centaines de morts, n’ont pas été traitées avant ce début de semaine. Charlie Hebdo a inventé une rubrique pour ça : les couvertures auxquelles vous avez échappé.