A l’occasion de la Semaine de la langue française dans les médias audiovisuels à laquelle Radio France est associée, le Médiateur des antennes est interrogé par Denis Faroud dans le 13h de France Bleu ce 21 mars : « Respectons-nous la langue française quand nous vous parlons ? »

 

Mots ou expressions mal employés

C’est vrai que les journalistes ou les animateurs ont parfois tendance à torturer la langue française. Et bon nombre d’auditeurs n’aiment pas du tout.

Il y a d’abord ces expressions à la mode qui deviennent des tics de langage :

  • du coup, il a réagi (Conséquence : il a réagi)
  • c’est une réaction normale, mais pas que… (Mais pas seulement)
  • Au final, il est parti – pas français (finalement, il est parti)
  • Impacter : toucher, influencer, altérer
  • Dans ce contexte, à retrouver les vidéos du médiateur « Le sens des mots ». Des mots de l’actualité ou des médias sont expliqués par des linguistes ou des spécialistes.

Un auditeur, un peu facétieux, a envoyé ce texte reprenant une bonne partie des poncifs, des tics de langage et des jargons de journalistes  : « Il faut raison garder, ne pas souffler le chaud et le froid, rester droit dans ses bottes et se poser la question : va-t-il faire le buzz ? Tout-à-fait, Denis, c’est clair. Du coup, un tsunami de punchline va impacter ce challenge de dédiabolisation décomplexée. Voilà, l’ADN de la langue française n’en sortira pas grandi, mais une masterclass dédiée à ce problème hors sol nous conduira irrémédiablement à un bon lâcher-prise. A ce stade, une question s’impose : qu’est-ce que tout cela dit de notre époque ? ».

Ce concentré de poncifs montre le ridicule de ces mots ou de ces expressions quand ils deviennent des tics de langage.

Il y a aussi toutes ces fautes qu’on ignore : dit- on des scenarii ou des scenarios ?

  • Des scénarii. Non, le mot scénario a été francisé. On dit donc des scénarios. Un universitaire linguiste nous disait : dites-vous des bravi ? Non, des bravos.
  • Il y a aussi : tout cela s’est avéré faux. Non, avérer signifie être vrai. Donc, cela ne peut être vrai et faux. Tout cela s’est révélé faux ou tout cela est avéré.

Mais, il y a d’autres fautes qu’on ne devrait pas ignorer…
Et pourtant, on les entend beaucoup sur nos antennes :

  • Un espèce de farfelu. Non, espèce est féminin, même si farfelu est masculin. Une espèce de farfelu
  • Les Un an de l’élection. « Les » ne peut pas précéder un singulier. Le premier anniversaire de l’élection

Et puis, il y a ces erreurs dues parfois au stress du direct, de véritables perles.

Un jour ou l’autre en direct, tout journaliste a pu déraper sur un mot. Tous les auditeurs n’ont pas forcément cette indulgence…

  • On a procédé au dépouillage du scrutin corse (dépouillement)
  • On a retrouvé sur place un colis suspicieux (suspect)
  • La sofisticité de l’histoire (sofistication)
  • Les salariés sont véritablement pressurisés (pressurés). Il ne s’agissait pas de personnel d’Air France…
  • Le parti socialiste n’en finit pas d’agonir. Agoniser
  • L’Ecole normale supérieure de la rue d’ULM. Cette prestigieuse école n’est pas près d’un aérodrome sur lequel se poseraient des ULM, mais Rue d’Ulm, ville allemande où Napoléon a remporté une victoire.

« Ce matin, attention sur la N118, opération de dessalage ». En effet, des voiliers qui se retournent sur une route, c’est dangereux. En fait, opération de salage ou de déneigement…

 

Les anglicismes 

… provoquent le plus de réactions de la part des auditeurs… Un grand nombre d’entre eux n’aiment pas et souvent, ils ont raison.

Certains n’apprécient pas l’usage du mot « live » : concert en live. Ce sera difficile de changer, car « en direct » n’a pas tout-à-fait le même sens. En revanche, le ridicule du ridicule, c’est « en direct live ».

Ridicules également, ces expressions qui existent en français :

  • Il s’agit d’une feel good story  : histoire positive
  • Quel est le pitch de ce nouvel album ? Quel est le thème ?
  • Cette région est peu sécur (peu sûre)
  • Ce groupe parlementaire devrait faire du « team building » (exercices de cohésion d’équipe)

Tout cela est un véritable snobisme pour se distinguer, pour se montrer, en quelque sorte, supérieur aux autres…

En tant que médiateur, je rappelle aux journalistes que le principe même de notre métier est d’être compris de tous. On ne s’adresse pas à une élite, ou comme me l’écrivent beaucoup d’auditeurs, « vous ne vous adressez pas qu’aux bobos parisiens qui s’expriment dans un jargon incompréhensible des gens normaux ». Ils ont raison.

2ème Rencontre des médiateurs des Médias Francophones Publics

Nicolas Jacobs (FTV)/Jean-Pierre Constantin (France Médias Monde) /Gora Patel (FTV)/ Guy Gendron (Radio Canada)/ Louise Monaux (RTBF) /Raymonde Richter (RTS)/ Bruno denaes (Radio France)

Nicolas Jacobs (FTV)/Jean-Pierre Constantin (France Médias Monde) /Gora Patel (FTV)/ Guy Gendron (Radio Canada)/ Louise Monaux (RTBF) /Raymonde Richter (RTS)/ Bruno denaes (Radio France)

Mi-mars, le médiateur de Radio France a rassemblé tous les médiateurs des Médias francophones publics, Canada, Belgique, Suisse et France. En matière de langue, sommes-nous tous confrontés aux mêmes remarques ?

Oui, tous nos auditeurs sont hyper vigilants sur l’usage du français. Et sur l’usage des anglicismes. Et c’est là que nous avons remarqué que, finalement, nous Français étions les plus mal lotis. Un peu à cause de l’Académie française… Dans un monde où tout s’accélère, où les nouvelles technologies arrivent en permanence avec de nouveaux mots, l’Académie française réagit avec des mois, voire des années de retard. Ce qui fait que l’équivalent français d’un mot anglais n’a plus aucune chance d’être adopté par les Français. L’Office québécois de la langue française est beaucoup plus réactif.