Que de remarques ou de questions d’auditeurs pertinentes ! Il est toujours profitable de se remettre en question, de s’interroger sur nos choix, nos pratiques, voire nos erreurs. Évidemment, les auditeurs n’ont pas toujours raison. À nous de leur expliquer nos choix, nos fonctionnements, nos contraintes… Nous faisons quotidiennement cette éducation aux médias, si indispensable en cette période de développement des fausses informations et de l’intolérance. Enfin, comme tout service en relation avec un public, nous sommes confrontés à des messages violents ou déraisonnés : « Je vous ai déjà écrit que je ne supporte pas ce présentateur. Il est toujours à l’antenne. Le médiateur ne sert vraiment à rien ! ».ommé à la rentrée 2015 médiateur des antennes de Radio France, j’ai remis l’auditeur au centre des activités du médiateur, comme le souhaitait notre président Mathieu Gallet. Les auditeurs sont notre raison d’être et les écouter ne peut que permettre de nous améliorer en qualité, en fidélisation et en satisfaction en répondant mieux à leurs attentes.

Une collaboration efficace et bienveillante avec toutes les directions, de chaines ou transversales (numérique, juridique, technique, communication, diversité…), a permis une véritable écoute des auditeurs et la mise en place d’un processus de réponses et d’informations.

Précisons qu’actuellement, l’équipe du médiateur se compose de deux personnes : le médiateur des antennes et sa responsable d’édition numérique, Catherine Cadic. Jusqu’en mai 2018, nous avons disposé de l’aide d’une étudiante en alternance.

De 800 messages mensuels à 10 400 aujourd’hui

À ma nomination, nous recevions 800 messages par mois. Nous avons rapidement doublé le chiffre, pour atteindre entre 2 800 et 3 000 messages mensuels pendant l’année électorale (novembre 2016-juin 2017). Enfin, depuis avril 2018, nous traitons plus de 10 400 messages par mois.

Durant ces trois années de médiation, nous avons travaillé en collaboration avec la Direction du Marketing pour la mise en place du CRM-SRA, un système informatique de gestion des relations auditeurs. Je souhaitais que ce soit l’occasion de centraliser la réception de tous les messages d’auditeurs adressés aux différentes antennes. Le meilleur moyen pour que les auditeurs soient entendus et leurs remarques ou questions relayées auprès des personnes compétentes avec, si nécessaire, une réponse… Nous sommes allés plus vite que la mise en place du système informatique (retardée et attendue maintenant pour le début 2019) qui devait nous aider dans la sélection des messages et les réponses à apporter.

 

     

 

Désormais, les services Relations auditeurs de France Culture et franceinfo ont disparu ; ce sera le cas pour France Inter à la rentrée 2018. Nous nous retrouvons avec 10 400 messages mensuels, impossibles à gérer pour deux personnes. A la prochaine rentrée, un troisième poste devrait être affecté à l’équipe du médiateur.

Le CRM-SRA permettra une automatisation de certaines réponses à des questions récurrentes ou une redirection automatique pour des questions qui ne concernent pas le médiateur (problèmes techniques, programmation musicale, etc). En revanche, le travail sera plus intense pour l’équipe du médiateur en charge de traiter tous les messages qu’elle ne recevait pas auparavant. Par-delà les avantages déjà évoqués pour les antennes, nous pourrons offrir de « vraies » réponses aux auditeurs ; les services Relations auditeurs se contentaient d’adresser un accusé de réception et de transmettre le message auquel, généralement, personne ne répondait.

Que deviennent les messages des auditeurs ? 

 

 

   *[(NOUVEAU) indique les nouveautés lancées depuis septembre 2015]

Activités quotidiennes et hebdomadaires

  • Lire, sélectionner et déterminer le traitement des messages des auditeurs.

Les auditeurs s’adressent au médiateur directement par mail (mediateur@radiofrance.com) ou sur le site (mediateur.radiofrance.com ). C’est ce dernier que nous privilégions en appelant, notamment dans toutes nos émissions, les auditeurs qui souhaitent nous contacter à le faire par ce moyen. Les messages reçus sur le site ont l’avantage de pouvoir être publiés avec une réponse publique.

Le site du médiateur a été entièrement repensé et refondu au début de l’année 2016 grâce au soutien de la Direction du Numérique. Depuis, nous disposons d’un site ergonomique, simple et agréable. Sa fréquentation ne cesse d’augmenter.
Les auditeurs nous joignent également par l’intermédiaire des pages d’accueil des différentes chaines. Et depuis le mois de mars, tous les messages adressés aux multiples « zones de contact » de France Inter nous parviennent.

Nous recevons de plus en plus de réactions via les réseaux sociaux, réseaux sociaux surveillés de près par notre responsable d’édition numérique. Elle exerce une veille permanente, qui nous permet de réagir rapidement et d’alerter les responsables de chaines directement concernés.

Chaque matin, la responsable d’édition numérique passe en revue tous les messages reçus depuis la veille au soir et sélectionne ceux qui concernent l’éditorial (rédaction et programme). Le médiateur les lit et prend une décision pour chacun d’entre eux :

  • Vérification de certaines remarques nécessitant une recherche et une réécoute
  • Réponse personnalisée et publication sur le site
  • Transmission à la direction concernée ou à l’équipe d’antenne pour réponse ou, simplement, pour information
  • Recherches ou « enquêtes » sur des questions complexes ou problématiques, ou des menaces de plaintes auprès du CSA
  • Sélection pour les lettres d’information du médiateur ou pour une de ses émissions
  • Classement dans un dossier thématique pour un usage ultérieur.

 

Tous les messages reçoivent un accusé de réception. Mais nombre d’auditeurs comprennent difficilement qu’il nous est impossible de répondre à chacun d’entre eux. Régulièrement, le médiateur doit le réexpliquer sur le site ou dans les Rendez-vous d’antenne. Précisons que, même s’ils n’ont pas de réponse personnelle,  leurs remarques pertinentes, leurs interrogations judicieuses, leurs félicitations amicales ou leurs protestations sont transmises et servent de base à toute l’activité du médiateur.

 

  • Quatre émissions audio : franceinfo, France Culture, France Inter et « Secrets d’info ».


Dès ma nomination, j’ai pris le parti de la transparence et de la confiance en informant le directeur de chaine des thèmes et des invités de mon émission. Cela ne m’a jamais posé de problème et cela m’a même plutôt aidé dans certaines circonstances.

Mes « invités » ont été principalement des journalistes, des producteurs, des responsables d’antenne, de rédaction ou de services transversaux, et, exceptionnellement, sur certains sujets, des spécialistes extérieurs. Selon la longueur de l’émission, je retenais un ou deux thèmes parmi les remarques d’auditeurs et un ou deux invités pour apporter des réponses et leur éclairage.

 

D’une manière générale, les « invités » se sont toujours rendus avec enthousiasme dans les Rendez-vous du médiateur. Ils estimaient qu’il était important de répondre aux interrogations et aux critiques des auditeurs, voire de reconnaitre une erreur ou une imprécision. J’ai parfois rencontré quelques difficultés avec des « vedettes », appréciant peu qu’on puisse leur adresser des remarques.

 

Les différents « Rendez-vous » :

  • franceinfo : tous les samedis à 11h50 et 13h24 (4mn30). Enregistrement le vendredi à 11h45 avec la « Fil rouge » du week-end.
  • France Culture : un jeudi sur deux à 13h24 dans « La Grande Table » (6’)
  • France Inter : le dernier vendredi du mois après l’ « Instant M » (raccourci ce jour-là) à 9h45 (10 à 12 mn)
  • Secrets d’info (NOUVEAU): le dernier samedi du mois sur France Inter vers 13h40 (10mn). Enregistrement le jeudi à 17h30.

L’intervention du médiateur une fois par mois dans l’émission « Secrets d’info » a débuté à la rentrée 2018 sur une proposition de Jacques Monin, directeur de la cellule Investigations de Radio France. Chaque enquête suscite de nombreuses réactions : protestations, demandes d’informations supplémentaires, voire transmissions d’informations complémentaires par des auditeurs. Ce « droit de suite », rare dans les médias, a reçu un accueil très favorable.

Ces quatre Rendez-vous d’antenne sont ensuite repris sur le site du médiateur par la responsable d’édition numérique, ainsi que sur les sites des différentes chaines, puis elle les poste sur les réseaux sociaux.

 

  • Une vidéo hebdomadaire(NOUVEAU) : « Le Sens des Mots » (2mn), diffusée sur le site et les réseaux sociaux.

À partir de questions posées par des auditeurs ou de réactions au mauvais usage de certains mots, le médiateur interroge un spécialiste (linguiste, lexicologue, juriste, etc). Pour des questions pratiques, nous enregistrons entre 3 et 8 « mots » à la fois avec le même spécialiste. Toutes les questions et les réponses sont scriptées afin de permettre un visionnage « sans son ».

Nous avons ainsi expliqué des mots aussi différents que « populisme », « radicaliser », « héros », « féminicide », etc. Il s’agissait de parler autant de l’étymologie du mot que de son usage, voire de son bon usage.

 

  • Trois lettres d’information (NOUVEAU) :

Dès ma nomination, j’ai lancé une première lettre d’information hebdomadaire. C’était le moyen le plus efficace de transmettre aux directions les remarques pertinentes et constructives des auditeurs. Il fallait absolument que les équipes d’antenne puissent bénéficier, elles aussi, des remarques des auditeurs ; un an plus tard, une seconde lettre était donc créée. Enfin, à la dernière rentrée, nous avons lancé une lettre d’information mensuelle destinée aux auditeurs. Il s’agissait de montrer que, oui, le médiateur est bien à l’écoute des auditeurs, que, oui, leurs messages sont utiles et relayés. 

Ces lettres sont découpées en trois rubriques : « Tendances » (les remarques les plus fréquentes de la semaine), « Remarques » (les remarques les plus pertinentes), « Expressions » (les remarques sur l’usage de la langue française, les anglicismes, le sens des mots, etc).

Elles nécessitent un long travail de sélection et de synthèse réalisé chaque semaine… Mais les retours sont nombreux et positifs, tant du côté des directions que de celui des journalistes, animateurs et producteurs. Ces derniers disent que les remarques des auditeurs leur permettent d’améliorer la qualité de leur production (journaux, émissions, reportages, interviews, articles, etc), de s’interroger sur certaines pratiques professionnelles et de se remettre en question pour éviter une routine préjudiciable à leur travail quotidien.

Un seul service s’en est pris plusieurs fois ouvertement au médiateur, celui des Sports, n’acceptant pas les remarques des auditeurs, notamment sur la faible présence du sport féminin à l’antenne.

  •  Les infos du médiateur » : lettre hebdomadaire diffusée le vendredi et destinée aux directions (environ 110 destinataires).
  • « Les infos M » : lettre hebdomadaire diffusée le vendredi et destinée aux équipes d’antenne (journalistes, producteurs, animateurs – environ 800 à 900 destinataires). Version adaptée des « Infos du médiateur ».
  • « La lettre du médiateur »: lettre mensuelle diffusée en début de mois et destinée aux auditeurs.

 

Certains sujets entraînent un nombre important de réactions et de questions. Le meilleur moyen d’y répondre (hormis une émission)
est de rédiger un article sur le site,  puis de le relayer sur les réseaux sociaux. Cela permet de développer des explications, de renvoyer sur des liens ; en un mot, d’être le plus complet.
Quelques exemples : les nouvelles règles du temps de parole, la publicité sur les antennes de Radio France, le traitement de la vaccination ou des pseudosciences par les rédactions, la vérification de l’information avec l’Agence franceinfo, etc.
Nous rédigeons également des articles qui expliquent les évolutions de la radio, les habitudes d’écoute, les innovations attendues… Enfin, nous publions des études et des enquêtes en rapport avec nos activités. Chaque mois, nous publions entre 3 et 7 articles.

 

 

Chaque semaine, nous présentons sur le site un ouvrage en rapport avec des questions d’auditeurs, l’actualité, l’éthique, les médias, etc. Nous relayons aussi les publications des Editions Radio France.

 

 

 

 

  • Réunion hebdomadaire avec la directrice de France Inter (NOUVEAU).

Tous les vendredis à midi, Laurence Bloch et le médiateur faisaient le point sur les réactions des auditeurs et évoquaient les éventuelles réponses ou solutions. Une réunion fructueuse à l’initiative de Laurence Bloch pour une meilleure écoute des auditeurs et une aide efficace à la décision (construction des grilles, évolution d’antenne, etc).

 

  • Participation à la réunion hebdomadaire du Secrétariat Général à l’Information (SGI).

    Tous les jeudis après-midi, le médiateur intervenait auprès des directeurs de rédaction et des directeurs de service (Investigations, Monde) pour leur faire part des réactions d’auditeurs les plus pertinentes à propos de leur antenne.

 

Les grandes tendances

Les messages reçus quotidiennement permettent de dessiner quelques grandes tendances dans les attentes et les remarques des auditeurs :

  • Les interviews politiques : de nombreux auditeurs ne supportent plus l’agressivité des intervieweurs, la recherche constante de la petite phrase qui fera le « buzz » sans valeur informative, des réponses coupées en permanence… Beaucoup d’auditeurs estiment que les invités politiques n’apportent rien, contrairement aux invités spécialistes ou experts dont les réponses « apprennent des choses». [une étude qualitative menée à la veille de la campagne pour la présidentielle par la Direction des études de Radio France avait conduit à une conclusion à peu près semblable]
  • Le parti pris : cette impression apparaît lorsque les informations, les titres ou les sons sont diffusés sans nuances et sans contextualisation, comme « Les étudiants vent debout contre la réforme» ou « Les automobilistes opposés au 80 km/h ». Tous les étudiants ? Tous les automobilistes ? Certains journalistes ou producteurs peuvent avoir une présentation « militante » d’un sujet et, à juste titre, beaucoup d’auditeurs réagissent alors.
  • Le sexisme ordinaire et la parité : les stéréotypes ont la vie dure et les auditeurs sont très vigilants. Pendant une grève, « Comment les mamans vont-elles s’organiser ? » ou « Les difficultés sont-elles les mêmes pour la femme de ménage et l’homme d’affaires? ». Ou encore : « C’est la rentrée. Les mamans vont écouter tranquillement mon émission ». Ou « digne d’un roman écrit par une jeune fille ». Grande sensibilité également au non-respect de la parité, au sein d’une émission ou au fil de la saison.
  • Le sport féminin : trop peu présent sur nos antennes, même quand les équipes de France féminines de foot ou de rugby, par exemple, font de meilleures performances que les équipes masculines. Ou alors annoncer que « c’est terminé pour la France à Roland-Garros », alors qu’il reste une joueuse française en compétition (et… les joueurs handisports). Beaucoup d’auditeurs nous interpellent sur notre rôle de service public pour faire évoluer les mentalités. « Sinon, comme nous l’écrit ce professeur d’éducation physique, je continuerai d’affronter cette remarque : « Mais le sport, c’est pour les garçons ! ». [une enquête menée par IPSOS à la demande du Comité diversité de Radio France avait également montré la trop faible présence du sport féminin]

    Wikimedia Commons

  • Les pseudosciences et la médecine : ces deux sujets suscitent toujours un très grand nombre de réactions dès qu’ils sont abordés, comme avec la biodynamie, l’homéopathie ou les vaccinations. Bien souvent, des auditeurs sont très influencés par les informations fausses ou incomplètes véhiculées sur les réseaux sociaux. 
  • Les analogies médicales: « C’est un autiste ! » ou « Vous êtes un peu schizophrène ! » nous valent beaucoup de réactions d’auditeurs, principalement de proches de personnes atteintes de ces maladies. C’est une forme de stigmatisation avec un sens bien souvent inapproprié par rapport à la réalité de la maladie.
  • Les anglicismes : nous sommes énormément interpellés lorsque les présentateurs ou les producteurs parsèment leurs propos d’anglicismes injustifiés et incompréhensibles. Ils représentent bien souvent une forme de snobisme ou, comme disent des auditeurs, de « parisianisme méprisant» à l’égard de leur public. D’autant que les mots ou les expressions existent en français… 

Constat général

Durant ces trois années, j’ai pu constater que l’intérêt porté aux auditeurs incitait ceux-ci à être plus nombreux à nous faire part de leurs remarques ou à nous questionner. Beaucoup de messages sont très intéressants. À Radio France, nous avons la chance d’avoir des auditeurs très attentifs, très vigilants et très fidèles. J’ai vraiment voulu utiliser cet avantage en tant que médiateur.

En « popularisant » l’activité du médiateur au sein de notre groupe, j’ai trouvé des relais efficaces pour une meilleure écoute de nos « clients ».

Pour les directions :

  • Amélioration des émissions
  • Aide à la décision pour les nouvelles grilles
  • Explication des choix, des contraintes, de l’esprit des émissions
  • Défense de la liberté d’expression et de l’humour
  • Correction d’erreurs ou d’imprécisions

Pour les équipes :

  • Amélioration de la qualité des productions
  • Amélioration dans certains exercices difficiles comme les interviews et les improvisations
  • Correction de tics de langage, de fautes de vocabulaire ou de grammaire
  • Adoption d’un langage compréhensible par tous, en évitant la vulgarité et les anglicismes inutiles et souvent compris que d’une minorité
  • Attention portée au « sexisme ordinaire », aux stéréotypes, aux a priori, aux partis pris
  • Reconnaissance d’erreurs ou d’imprécisions et correction.

Développement inquiétant de l’intolérance

J’ai aussi constaté un développement inquiétant de l’intolérance, voire de la violence. J’ai été profondément marqué par les menaces et les propos haineux qu’a dû affronter une journaliste au moment des « attentats du Bataclan ». Elle avait fait un papier radio quelques mois auparavant sur les migrants, papier publié sur le site de France Inter. Le lendemain des attentats, sans qu’elle ne soit au courant, le titre de son papier (ancien, rappelons-le) a été modifié par un membre de l’équipe web. Un flot de haine et d’appel au viol et au meurtre s’est alors propagé contre elle sur les réseaux sociaux, relayé par des sites d’extrême-droite. Le médiateur s’est évidemment saisi de cette affaire, mais en gardant un goût amer de ce que des « humains » sont capables de faire. Surtout quand l’anonymat des réseaux sociaux permet de se transformer en monstre.

Intolérance également pendant une campagne électorale (2017) difficile pour les journalistes. Beaucoup de militants ne supportaient pas d’entendre des opinions autres que les leurs ; on aurait presque pu imaginer qu’ils rêvaient d’une dictature dans laquelle seul leur leader pouvait s’exprimer. Le médiateur a dû rappeler maintes et maintes fois que toutes les opinions avaient droit de cité sur nos antennes et que c’était à chacun de se faire sa propre opinion, en respectant celle des autres. Cela s’appelle simplement la démocratie.

Nous avons dû affronter les lobbys des deux extrêmes : Front national et France insoumise. Dès qu’un reportage ou qu’une interview leur déplaisaient, le médiateur était assailli de messages virulents dénonçant le « parti pris » des journalistes. Des messages au contenu souvent identique… 

Aujourd’hui, d’autres intolérances apparaissent de la part de « militants » aveuglés par les causes qu’ils défendent. Les anti-vaccins, par exemple, ne supportent pas qu’on puisse diffuser des reportages ou des interviews qui remettent en cause leurs « certitudes » s’appuyant sur de fausses informations. Idem avec les partisans forcenés de l’homéopathie, accusant les journalistes d’être des « suppôts des grands laboratoires », lorsqu’ils reprennent simplement les études scientifiques qui prouvent l’effet placebo.

Une éducation aux médias quotidienne

Tout cela montre qu’il nous est paradoxalement parfois difficile de délivrer une information vérifiée et exacte. Le médiateur a du mal à se faire entendre d’auditeurs qui préfèrent croire les mensonges des réseaux sociaux plutôt que la réalité énoncée par des journalistes professionnels dont la base même de la déontologie est de ne délivrer que des informations certifiées.

D’où cette mission importante qu’est celle du médiateur : l’éducation aux médias. Il la pratique quotidiennement dans les réponses et les explications qu’il fournit aux auditeurs sur le site et les réseaux sociaux. Mais aussi dans les thèmes développés dans ses émissions. Par exemple, lorsqu’il reçoit Thomas Legrand, il peut expliquer le rôle d’un éditorialiste politique, bien différent de celui d’un journaliste politique : l’un émet des avis, des commentaires, l’autre relate des faits, explique des décisions.

Les autres activités du médiateur

 

  • Membre du Comité Diversité de Radio France (NOUVEAU).

    Ce Comité composé d’un représentant de chaque chaine et de services transversaux a accueilli le médiateur en septembre 2017, à l’initiative de sa présidente, Bérénice Ravache. Lors de la réunion trimestrielle, il peut ainsi exposer les remarques d’auditeurs les plus récurrentes ou les plus significatives. Elles sont prises en compte par les membres du comité qui mettent en place des actions d’information interne.
    Par-delà cette réunion trimestrielle, nous adressons régulièrement à l’ensemble du comité les messages concernant le sexisme, la parité, la diversité, le handicap, etc. Nous avons mis en place une boite de distribution Outlook qui permet de toucher immédiatement l’ensemble des membres.
    La participation du médiateur à ce comité est importante, car nous utilisons désormais les réactions des auditeurs pour faire réagir les équipes d’antenne et faire évoluer les mentalités face, notamment, au « sexisme ordinaire » et aux stéréotypes.Le médiateur a par exemple proposé de publier à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes (8 mars 2018) une plaquette « Lutte contre les stéréotypes sexistes sur nos antennes ». Elle reprenait, par thèmes, des messages d’auditeurs sur des propos sexistes tenus à l’antenne (parfois inconsciemment), sur la parité non respectée dans des émissions, sur le sport féminin souvent oublié, etc. La plaquette a été distribuée dans les toutes les radios du groupe.Par ailleurs, nous avons organisé avec la présidente du comité Diversité des réunions regroupant plusieurs rédacteurs en chef de France Bleu. À l’aide des messages des auditeurs, nous avons montré que, même si Radio France est très attentive au sujet, nos antennes ont encore des progrès à faire.

 

 

  • Président de la Commission Médiation des Médias Francophones Publics (MFP) (NOUVEAU).

De gauche. à droite : Nicolas Jacobs (France 2), Eric Poivre (Les MFP), Jean-Pierre Constantin (France Médias Monde), Guy Gendron (Radio-Canada), Louise Monaux (RTBF), Raymonde Richter (RTS), Bruno Denaes (Radio France), Marie-Laure Augry (France 3) et Gora Patel (France Télévisions). (Photo Juliette Fayollet / Radio France)

 

Durant de nombreuses années, j’ai été membre de la Commission Information des MFP et les échanges, les rencontres, les visites avec mes confrères francophones m’ont permis de rapporter idées, innovations, remises en question…

J’ai souhaité faire de même avec les médiateurs. En mai 2017, j’ai donc réuni à Radio France mes homologues des médias publics canadiens, belges, suisses et français. Ils m’ont élu président de la Commission Médiation. Nous nous sommes de nouveau réunis en mars 2018.

Cela nous permet d’échanger sur nos pratiques, nos difficultés, nos interrogations. Certaines pratiques des uns ont été adoptées par d’autres… Et au fil de l’année, nous communiquons entre nous par mail ou téléphone.

 

  • Administrateur de l’ODI (Observatoire de Déontologie de l’Information) (NOUVEAU)Radio France est membre de cette instance qui scrute les manquements à la déontologie. Elle pourrait être une préfiguration d’un futur Conseil de presse ou, tout du moins, son instigateur.
    L’ODI rédige un rapport annuel très instructif, avec des réflexions sur nos pratiques professionnelles.
    En 2016, j’ai fait entrer Radio France au Conseil d’administration de l’ODI. Le médiateur des antennes est donc administrateur ; il représente Sibyle Veil, notre PDG.
  • Membre du Cercle des médiateurs de presse. 

Le Cercle regroupe les 9 médiateurs de presse français. Ils se réunissent tous les trois mois pour faire le point sur leurs activités et échanger. Cette année, nous nous sommes engagés en faveur de la création d’un Conseil de presse.

Le médiateur a été de nombreuses fois sollicité pour participer à des conférences ou des tables rondes. Les thèmes les plus demandés correspondaient à l’éducation aux médias (Éducation nationale, CLEMI…), l’importance de l’écoute des usagers pour améliorer la qualité des prestations (Cap’Com, Fédération des Assurances…), l’éthique et la déontologie (Syndicat des radios indépendantes, écoles de journalisme, délégations étrangères…).

 

Bilan chiffré 2015-2018

Messages reçus et traités : 100 000

Émissions : 230

Vidéos « Le Sens des Mots » : 70

Lettres d’information : 160

Articles sur le site : 190

Articles « La bibliothèque du médiateur » : 100

 

Fonctionnement

  • Le médiateur des antennes dépend directement de la Présidente. Mais pour permettre un meilleur fonctionnement et une meilleure information, il était « rattaché » (jusqu’en avril 2018) au Comité de Direction (CODIR) du Directeur des antennes et des contenus. 

Selon les sujets, il pouvait aussi à sa demande ou à la demande du Directeur des antennes et des contenus participer au Comité Éditorial (COMED) qui réunit tous les directeurs de chaine.

  • Il est totalement indépendant de toute hiérarchie et n’exerce aucune responsabilité éditoriale. Avant ma nomination, aucun texte ne régissait le statut du médiateur des antennes de Radio France. En accord avec la présidence, j’ai donc proposé un texte s’inspirant de la plupart des statuts des médiateurs de presse, visible sur le site.

 

Bruno DENAES – juillet 2018