Cher Bruno Denaes, cher Amaury Chardeau,
Je tiens à vous adresser ce message à propos de l'émission "1966 : la vague surf" car il ne m'est pas possible de laisser un commentaire sur la page de l'émission.
J'ai bien conscience qu'un producteur en charge d'un tel programme à thématique très large ne puisse pas avoir tout lu sur tous les sujets abordés, je n'en suis pas moins très déçu du traitement du sujet en ce qui concerne les origines historiques et culturelles du surf dans les sociétés polynésiennes. Tout d'abord, j'ai été très étonné d'entendre sur France Culture que les "îles Sandwich" sont situées dans l'Atlantique sud... alors que ce nom est l'un des noms donnés à l'archipel hawaiien (vous confondez peut-être avec les Îles Sandwich du Sud, situées à proximité des Malouines, mais où personne n'habitait lorsque le capitaine J. Cook y est passé)...
Ensuite je m'étonne qu'il ne soit pas du tout fait mention de la Polynésie française, où l'équipage du fameux navire anglais la Bounty a observé des jeunes gens surfer au niveau de la commune actuelle de Mahina, à Tahiti (voir le Journal de James Morrison, traduit en français et publié par la Société des Océanistes) et où des traditions orales rapportent la pratique du horue (nom du sport en tahitien) bien avant l'arrivée des européens, au niveau du récif désormais mondialement célèbre de Teahupo'o, notamment dans une légende sur une jeune femme du nom de la lignée des chefs Vehiatua de la Presqu'ile de Tahiti (voir les mémoires de Marau Taaroa, également publiés par la Société des Océanistes)... Tout cela ne semble peut-être que détails, mais il s'agit du patrimoine culturel des Polynésiens qui vivent desormais sur des territoires français et dont on n'entend jamais parler parce que personne ne regarde vers eux...
Enfin, je tiens à vous préciser que le surf est traditionnellement/historiquement un sport réservé aux élites politiques, car le reste de la population était occupé à travailler dans les tarodières ou à pêcher pour se nourrir, que ce soit à Tahiti ou à Hawai'i. Je vous défie de trouver une source historique fiable qui raconte le contraire. L'image des polynésiens passant leur temps dans l'eau à s'amuser est totalement érronée (même en période de fêtes des Pléiades), et entretient le mythe du bon sauvage vivant dans la "Nouvelle Cythère". Sur une station telle que FC je trouve cela désolant et je tenais à vous le dire. J'imagine qu'il est possible de proposer un erratum sur la page web de l'émission, je pourrais alors vous donner les références bibliographiques complètes que j'ai évoqué ici.
Cordialement,
Aymeric Hermann

La Médiatrice Radio France vous répond
29/12/2017 - 13:51

Cher auditeur déçu,
Je vous remercie de votre message et de votre écoute attentive. Vous pointez en préambule la principale difficulté de cette émission qui ambitionne, en des délais très restreints, de proposer une programmation musicale originale et réjouissante et d’y associer un récit, aussi documenté que possible.
Pour répondre à quelques-uns des points que vous soulevez :

– au sujet des Iles Sandwich : après avoir lu, ici ou là, au sujet du rôle desdites îles dans l’émergence du surf, j’ai voulu vérifier leur localisation dans le Pacifique. N’ayant trouvé (trop hâtivement, sans doute) sur ma mappemonde que les iles Sandwich du Sud, et constant qu’elles avaient bien été « découvertes » par Cook, j’ai commis une rectification fautive, mea culpa.

– concernant le milieu social des premiers pratiquants du surf, j’avais bien d’abord lu que ce sport n’était pratiqué que par les élites du Pacifique, jusqu’à tomber sur un développement avançant le contraire, sous la plume de William Finnegan qui, je vous l’accorde, n’est pas historien mais surfeur tout de même, journaliste sérieux et même Prix Pullitzer. Je vous renvoie donc vers les pages 39-40 de l’édition française de ses « Jours barbares » où il écrit clairement (avec même des noms d’historiens cités la ligne précédente) qu’à Hawaï du moins, le surf n’était pas uniquement, jadis, une pratique réservée aux élites. Bref, nulle orientation idéologique là-dedans ni perpétuation d’un quelconque mythe du bon sauvage dont je n’ai que faire, en temps de fêtes où le reste de l’année.

– quant à l’absence de développement historique concernant les origines du surf en Polynésie française, elle ne s’explique que par le manque d’espace inhérent au format de cette émission. Votre sagacité aura toutefois relevé que nous évoquons plus loin dans le récit Teahupoo et que la programmation musicale incorpore également des éléments de percussions polynésiennes. Ceci dit, votre remarque me donne l’envie de consacrer une future émission à ces archipels, dont vous notez, à raison, qu’ils sont fort peu traités dans les media métropolitains.

Bref, je prends acte de vos coups de règles sur les doigts dont je vous remercie sincèrement, les retours d’auditeurs critiques, surtout quand ils sont argumentés, constituant pour moi une vraie stimulation.
En vous souhaitant de bonnes fêtes de fin d’année, j’espère que vous reviendrez faire un tour du côté de Métronomique pour, qui sait, en repartir moins déçu.

Cordialement.

Amaury Chardeau