Je n’ai jamais écrit à la médiatrice alors même que j’écoute Inter plusieurs fois par jour et depuis plus de 50 ans, quasiment sans discontinuer. J’ai eu la télévision quelques années seulement dans ma vie mais rien ne remplace la radio à mon goût. Je n’ai jamais écrit pour ne pas passer pour un de ces « hommes vieillissants, nostalgiques de l’époque d’avant me-too » comme il en a été question pendant votre dernière intervention. Je me doute aussi que chaque auditeur aime plus ou moins ce qu’il entend. Est-ce une raison pour protester, s’insurger, juger que rien n’est plus important que son avis sur une émission ou un propos tenu dans une émission ? Pourtant, j’avoue que, depuis l’ère Bouteiller qui a vu l’invasion de l’antenne par des chroniqueurs en tous genres ou des billets d’humeur pour commencer la plupart des émissions, je suis passablement exaspéré d’entendre quelqu’un nous dire ce qu’il a compris d’un événement et ce qu’il est convenable d’en penser ; surtout que la plupart n’ont pas une compétence universelle pour traiter de tous les sujets. Cette invasion de chroniqueurs est à l’origine de bien des conflits et de courriers envoyés à Radio-France et, sans doute que bien des problème, dans un passé récent, auraient pu être évités sans ce recours à ces maîtres penseurs présentés comme humoristes. Ainsi, à l’occasion de la mort de Chirac, l’un d’eux a cru bon de l’évoquer pour insinuer qu’on ne rendra pas un tel hommage à la mort de Giscard. Tout ça pour ça. Le problème, c’est que c’est souvent le format de la chronique : un délayage laborieux pour envoyer une pique à quelqu’un. Ces humoristes prétendent de plus en plus être des moralistes et, comme disait Léo Ferré, ce qui est ennuyeux dans la morale, c’est que c’est toujours la morale des autres.

Bon, ce n’était pas ce que je voulais aborder. D’abord, comme d’habitude, je ne me reconnais nullement dans les propos des auditeurs cités à l’antenne. Ainsi, j’approuve la rediffusion d’émissions plus ou moins anciennes ou prestigieuses dans « NRV ». Il est bon de rappeler qu’Inter existe depuis longtemps et a produit de bonnes émissions dont les nouveaux devraient s’inspirer plutôt que de s’en moquer. Je peste suffisamment quand la mort d’un ancien animateur est à peine annoncée dans un flash pour me féliciter de cette initiative. Sur les autres stations, la mort d’un ancien donne lieu à une émission spéciale, en général le dimanche, où ceux qui l’ont connu évoquent des souvenirs souvent drôles et où l’on repasse des extraits d’émissions emblématiques. Il n’y a pas comme sur Inter un cloisonnement où chaque producteur ignore superbement ce que fait l’autre, voire le méprise. Et encore, depuis que Laurence Bloch a pris la direction, ça a changé et l’on peut entendre, à nouveau, des animateurs conseiller d’écouter les autres émissions d’Inter plutôt qu’une émission à la télé. Parlant de rediffusion, je suis en revanche déçu que la nuit ne soit plus un espace de liberté de ton et de chansons mais le recyclage des émissions de la journée, à l’heure où existe le podcast. Bien sûr, les auditeurs qui programment leurs smartphones pour écouter la chronique de Machin et l’éteignent aussitôt après ne vont pas se plaindre des programmes.

Également, j’avais remarqué et apprécié le choix des « grands invités » de la matinale en ce mois de septembre : Edgar Morin, Thomas Piketty, Pascal Bruckner, Régis Debray, Boris Cyrulnik, Edward Snowden, Alain Finkielkraut, François Sureau, Christiane Taubira. Je suis content d’entendre que ce choix a été plébiscité par les auditeurs qui vous ont écrit. Déjà, Patrick Cohen préférait un invité non politique le vendredi. Le pli a été pris et s’est étendu en ce début de saison. Alors, je me permets de vous suggérer de proscrire l’invité politique dans les matinales du week-end. Le samedi et le dimanche sont faits pour la décontraction et il est tout à fait inutile voire insupportable d’écouter pérorer un homme politique de deuxième ou troisième rang essayer de sortir un peu de l’anonymat. On aimerait entendre des chansons ou des rubriques tournées vers les loisirs mais sans cette accumulation. Parfois, on ne se rend même pas compte qu’on a changé de chronique. Oui, j’ai la nostalgie de la matinale de Patricia Martin qui se permettait de diffuser quelques chansons, qui prenait du temps pour évoquer un sujet ou un livre qui lui tenait à cœur (comme la Chaîne de l’Espoir) et où l’on partait au boulot bien informé et avec une chanson en tête. Il faudrait que vos animateurs se demandent si ce qu’ils ont à dire ou si leur rubrique intéresse l’auditeur au moment où ils interviennent. Je me suis régalé, tout l’été, en écoutant les concerts, en direct ou en différé et j’espère que ça va continuer et pas seulement le vendredi.

En revanche, je suis éberlué de constater que les sujets de nombre d’émissions, depuis la rentrée, tournent autour de questions sociétales ou de santé. La cause LGBT+ est mise en avant, les problèmes de PMA/GPA sont traités dans le sens du gouvernement, ce qui faisait l’objet d’une chronique de Giulia Foïs est devenu une émission entière. Est-ce le rôle de la radio de service-public que de proposer des émissions pour défendre des causes si respectables soient-elles ? Inter n’est pas une radio associative ni communautaire. Le dimanche soir, on enfonce le clou avec une émission qui rappelle celles de Ménie Grégoire dans les années 1970 : un invité soi-disant spécialiste de sexe et des auditeurs qui racontent leur vie, souvent triste. De quoi bien terminer un dimanche commencé sur les chapeaux de roues avec la matinale…

Il serait bon aussi que les animateurs précisent que les adresses qu’ils mentionnent se situent à Paris. Lorsqu’ils évoquent des expos ou des spectacles en province, ils indiquent dans quelle ville mais quand ça se passe à Paris, ça semble aller de soi pour tout le monde. De sorte que, nous autres en province avons de plus en plus l’impression d’entendre une radio parisienne et pas une radio généraliste.

Pour finir, je suis de plus en plus agacé par l’introduction de l’actualité culturelle par Augustin Trappenard. On sent que cette rubrique lui a été imposé par le cahier des charges et qu’il préférerait continuer à interviewer son invité 2 minutes de plus mais quand on entend «  Celle qui se noie dans un verre d’eau, avec son actualité sordide et putassière : c’est la culture, évidemment » suivi d’un sujet sur Degas à l’Opéra (de Paris bien sûr), ou encore « C’est la culture et son actualité bonne pour le vide-ordure » suivi de la voix de Jessye Norman morte la veille, on plonge dans l’incompréhension. Bien sûr, peu d’auditeurs à cette heure-là pour le souligner et il y en a qui doivent trouver ça follement drôle. Ils ne vous écriront pas tant que ça ne touche pas une catégorie de la population.

Vous avez compris que j’en appelle à la défense des fondamentaux d’une radio généraliste, payée par nous, contribuables, qui se doit d’être d’abord de qualité mais aussi populaire et pour tous et pas pour des catégories. À la mort de Johnny Halliday, on avait entendu nombre de producteurs, et non des moindres, se plaindre qu’on ne l’ait pas beaucoup entendu à l’antenne (je ne m’en plaignais pas personnellement). J’espérais que ça infléchirait ce que vous appelez la « play-list » plutôt minimaliste et confidentielle et qu’on aurait un peu accès à la variété du moment qui est souvent de qualité dans notre pays. Le site Internet d’Inter met en avant « Info, Culture, Humour avant Musique » C’est assez significatif de ce qui se passe à l’antenne. Dans le groupe Radio-France, il existe une radio Info, une radio Culture et une radio Musique et sur la bande FM, il existe au moins une radio Humour. Est-ce à Inter de faire concurrence à ces radios ? Encore une fois, ce n’est pas ce qu’on attend d’une généraliste. Il est normal qu’il y ait tout ça mais pas comme image de marque. Comme chaque producteur fait son émission dans son coin, vous ne vous rendez même pas compte que, entre 6 h et 10 h, c’est un flot ininterrompu de paroles. Ça n’arrête pas sauf en fin d’émission de Boomerang et de 10 à 11, c’est à peine mieux et même dans l’émission de Nagui, la chanson a peu de place. Ça recommence avec Philippe Bertrand et ça n’arrête pas avant Antoine de Caunes. Mettez-vous un peu à la place des auditeurs de temps en temps.

Cordialement