Bonjour Monsieur Denaes.
L'attentat de Manchester vient à peine de se produire, le nombre des victimes évolue d'heure en heure, et l'on connaît déjà le nom du terroriste. C'est lui faire un bien grand honneur que de le nommer, alors qu'on ignore le nom des victimes. Cet homme n'a droit, à mon avis, qu'à l'anonymat. "Le terroriste" sera bien suffisant pour parler de lui.
J'ai rencontré il y a deux ans, dans mon collège, Mme Ibn Ziaten, qui mène sa croisade contre l'intolérance et le rejet de l'autre. À la fin de sa présentation, je lui ai fait remarquer que, si tout le monde connaissait le nom de Merah, on ignorait celui de ses victimes. Or, ce soir, sur Inter et Info, on répète le nom du tueur de Manchester. À quoi bon ? Sur mon casier, dans la salle des professeurs, est affiché le nom des morts de Charlie. Qu'ils aient été assassinés par X ou par Y, on s'en fout ! Ce qui compte, et cela seulement, c'est le nom des morts innocents, au sens latin du mot : "qui ne peut nuire".
J'aimerais que, sur les chaînes de Radio France, on ne donne plus le nom des assassins. Ce n'est pas de l'information. Cela ne sert à rien. Cela ne nous apprend rien. Qu'ils s'appellent Abdallah ou Kévin, la seule chose qui vaille est le nom de ceux à qui ils ont ôté une innocente vie. Ce sont des lâches qui ne méritent que notre mépris.
Cordiales salutations,
Christian Dupré

La Médiatrice Radio France vous répond
24/05/2017 - 11:03

Je comprends votre réaction qui fait l’objet de débats réguliers lors d’un acte terroriste. A Radio France, comme dans la plupart des médias français, un code de conduite a été établi pour le traitement des attentats. L’anonymisation des terroristes a été refusée pour éviter que les auteurs d’actes horribles semblent ne pas exister et qu’on finisse par conclure à la fatalité, voire au complotisme, puisque l’on semblerait cacher (certains diraient « protéger ») les monstres responsables d’actes ignobles. De plus, cela reviendrait à censurer une information souvent utile pour comprendre les faits, mais aussi l’actualité internationale. Donner le nom d’un terroriste ou d’un génocidaire n’en fait pas un « héros ». Les nazis responsables de l’Holocauste n’ont fort heureusement pas été anonymisés et, à part quelques esprits malades, personne ne leur attribue un titre de « héros ». Quant aux victimes du terrorisme, elles sont loin d’être ignorées, même s’il est évidemment impossible de toutes les citer à l’antenne. Votre réaction, très humaine, est respectable, mais l’information ne peut rester au stade de l’émotion: elle doit pouvoir tenter d’expliquer les origines d’un attentat, les hommes et les organisations qui en sont responsables, les avancées des enquêtes, les actions pour lutter contre les menaces, etc.