Bonjour,

Je réagis à une publication en ligne de France Inter du 11 Novembre 2017 relative au passage d'un nuage radioactif en Europe et en France.

https://www.franceinter.fr/societe/5-questions-que-l-on-se-pose-sur-le-mysterieux-nuage-radioactif

J'ai le sentiment que la conclusion en réponse à la question « La France a-t-elle été assez prudente ? » est tout bonnement insultante à l'égard de la communauté scientifique et du travail fourni par l'IRSN (Institut de Radioprotection et Sûreté Nucléaire) pour informer sur ce sujet.

Je me permets de rappeler quelques éléments de contexte : le 4 Octobre, l'IRSN diffuse un communiqué de presse faisant mention de la détection de Ruthénium 106 par « plusieurs réseaux européens de surveillance de la contamination radioactive atmosphérique », notamment en Autriche, Norvège, Suisse. Mais à cette date, l'IRSN ne détectait rien en France et se décidait à augmenter les temps de prélèvement sur les filtres de ses stations de mesure pour augmenter la probabilité de détection de ces traces.
On parle donc de contamination extrêmement faible, et d'une communication de d'une surveillance renforcée uniquement suite au signalement fait par des pays étrangers, avant même toute détection sur le territoire français.

Dans une mise à jour du 9 octobre, l'IRSN faisait savoir qu'il « a engagé depuis le 3 octobre des investigations visant, d’une part à faire un bilan approfondi des mesures des niveaux de ruthénium sur le territoire, d’autre part à identifier les origines possibles de la situation rencontrée » et précisait que « Sur la base des calculs réalisés par l’IRSN, les niveaux de contamination atmosphérique au ruthénium 106 de l’ordre de ceux observés en Europe ne sont pas de nature à générer des effets sanitaires. »

Enfin, dans sa mise à jour du 9 Novembre, l'IRSN s'intéresse à la question des denrées alimentaires non pas en France, où le risque de contamination significative est nulle du fait des très faibles valeurs de contamination atmosphérique, mais en Russie, et plus précisément sur la nécessité d'imposer des contrôles sur les importations de denrées alimentaires issues des régions les plus touchées par cette contamination :
« La possibilité de dépassement des NMA [niveaux maximaux admissibles] à proximité du lieu de l’accident a conduit l’IRSN à étudier le scénario d’importation de denrées alimentaires issues de cette zone. De son analyse, l’IRSN considère, d’une part que la probabilité d’un scénario qui verrait l’importation en France de denrées (notamment des champignons) contaminées par du ruthénium-106 à proximité de la source de rejets est extrêmement faible et, d’autre part, que le risque sanitaire potentiel lié à ce scénario est lui aussi très faible. Il n’apparait donc pas nécessaire de mettre en place des contrôles systématiques de la contamination des denrées importées. »

Donc l'IRSN s'est livré à un exercice de communication aussi exhaustif que possible (et, mais cela n'engage que moi, plus poussé que nécessaire compte tenu de l'absence de risque identifiée dès le début), tout en prenant en compte les risques sanitaires de différents scénarios (contamination atmosphérique et contamination alimentaire) avant de se prononcer sur une absence de risque et sur une absence de nécessité de procéder à des mesures systématiques.

Donc, quand je lis, sur France Inter, que « Ni [la France] ni les autres pays européens [n'ont été assez prudents] » alors que les pays européens ont communiqué entre eux sur une radioactivité ne présentant pas de risque, et que « A lire les déclarations d'experts français » qui ne seront pas nommés ce qui porte à douter de leur statut d'expert, « personne n'a tiré de sonnette d'alarme sur ce "nuage". » sachant que RIEN ne justifiait d'alarmer, et enfin que « Ni la France ni ses voisins, n'ont demandé de prélèvements de sol, sur les végétaux, ne serait-ce qu' au niveau des terrains des ambassades » alors que l'IRSN avait envisagé la question avant de conclure que ce n'était PAS NÉCESSAIRE...

J'ai l'impression de voir une campagne de discrédit du milieu journalistique à l'encontre du milieu scientifique. Tout bonnement. C'est une tentative de faire croire que les scientifiques prennent la question à la légère alors que tout montre le contraire, et que peu de cas est fait de la santé des populations, ce qui est bien évidemment complètement faux en ce qui concerne ce sujet.
De plus, c'est une attaque qui surfe sur la vague trentenaire du « les scientifiques nous ont menti pendant Tchernobyl » qui est une légende urbaine profondément ancrée en France, et cela me désole de voir des journalistes mettre à profit cette croyance populaire pour essayer de se donner du crédit aux dépens des experts de l'IRSN.

Je considère que ce dernier paragraphe est une insulte au travail de communication et d'analyse de l'IRSN et qu'une telle chose ne devrait plus paraître, ou à minima ne plus apparaître sous le couvert d'une très artificielle légitimité procurée par d'anonymes et mystérieux experts - un militant antinucléaire ayant tôt fait de se faire passer pour un expert auprès d'un journaliste.

Bien cordialement,

Tristan Kamin.