Bonjour.
Ma démarche est exceptionnelle. J'ai 43 ans, et cela fait 20 ans environ que j'écoute quasi-quotidiennement france inter. Ce n'est pas la première fois que j'ai eu envie de réagir à certains propos ou angles d'attaque de certains journalistes ou chroniqueurs, mais c'est bien la première fois que je franchis le cap.

Je suis scandalisé par l'écoute du 7/9 de ce matin (lundi 10 avril) par successivement 2 intervenants.
Il s'agit d'abord de la chronique de Frédéric Métézeau, qui nous explique, sans ciller, que la loi sur l'égalité du temps de parloe des candidats à l'élection présidentielle, ne devrait pas être respectée sur France Inter car cette radio est capable de "faire ses choix éditoriaux" et de "proportionner ses interviews et informations selon l'importance des candidats". Il ajoute que le service politique ne devrait pas faire des "mathématiques".
C'est une honte !
Honte parce que la loi, au-delà des complications engendrées, doit être respectée par tous, c'est en tout cas le message philosophique qu'une chaine de grande écoute devrait diffuser. Quelle exemplarité pour les auditeurs ! Pourquoi cette loi mériterait de ne pas être suivie plus qu'une autre loi ? Parce qu'elle complique le travail des journalistes ? Si chaque corporation met en avant la nécessité de refuser d'appliquer une loi qui les dérange ou complique leur fonctionnement, quel sens conserve notre démocratie basée sur le droit et la justice ? La Loi, les Lois, sont là avant tout pour protéger le bien commun ou les personnes. M. Métézeau diffuserait-il de manière aussi véhémente un message d'une profession qui réclame le boycott d'une loi la dérangeant ?
Honte parce que le sens de cette loi, spécifiquement, me parait hautement utile, salvateur et indispensable pour éviter que la "bonne parole" ne soit confisquée par ceux seuls qui s'en autoproclameraient dignes. Permettre un temps de parole identique (que pour une période bien encadrée et somme toute très limitée) à chaque candidat de cette élection présidentielle est d'une évidente nécessité quand on sait que l'accès à l'espace médiatique sur tout le reste du temps est solidement cadenassé et directement influencé par le poids de l'audience dans l'opinion des concernés (les sondages ?), par le poids de la ligne éditoriale souvent décidée par les propriétaires pour les groupes privés (Aude Lancelin, virée du nouvel obs, en a éprouvé la cruelle réalité), par le poids de la "force de l’habitude" qui tend à décrédibiliser, à priori, toute parole décalée ou alternative. La démocratie, la vraie, passe par ces temps de parole diversifiés. C'est une occasion unique pour certains candidats de faire enfin passer leur message. C'est une occasion unique pour les auditeurs d'entendre autre chose que les sempiternelles interventions habituelles. La pluralité est ... plurielle, et ne doit pas être enfermée dans des quotas ou des "proportions", mais bien tendre dans ce cadre des présidentielles à une "égalité arithmétique", garante d'équité...
Honte enfin, car M. Métézeau ne se rend pas compte que c'est justement cette confiscation de la "bonne parole" qui participe à ce que les français rejettent de plus en plus nombreux la légitimité, l'utilité, la crédibilité de certains corps sociaux aux "manettes" : les médias, les politiques, les syndicats, la justice... Condamner cette loi, c'est dire aux auditeurs que les journalistes savent mieux que eux ce qui est bien, utile, important d'entendre. Comme si nous ne pouvions pas faire notre choix ou notre sélection nous même ! Les corps intermédiaires sont le socle de notre société démocratique, de notre contrat social, il faut les défendre mais en interrogeant toujours leur résonance chez les gens "ordinaires", leur impact pour leur quotidien. C'est d'autant plus vrai pour France inter, média public ! Et leur quotidien actuel, c'est entre autre décider pour qui voter au premier tour parmi les 11 candidats. Un service public d'information se doit de diffuser, interviewer aussi les candidats dits "petits" à égalité avec les autres, sinon il y a bien un parti pris dénonciable.

Je souhaiterai que mon message soit transmis à M. Métézeau pour qu'il sache tout le mal que je pense de son "éditorial".

La deuxième séquence qui m'a choqué intervient peu de temps après et est directement liée, ou illustre parfaitement, les propos précédemment tenus.
Il s'agit de l'interview "éclair" de François Asselineau par Alexandra Ben Said. Pendant cet interview, j'ai trouvé insupportable la posture de la journaliste qui coupait la parole au candidat, qui ne le laissait pas développer ces propos, dérouler ses arguments, ou simplement répondre à la question précédente jusqu'au bout ! C’était une mis en application directe de ce que je viens de dénoncer pour M. Métézeau ! C'est à dire un journaliste (une) qui décide de filtrer (et souvent à mauvais escient), de "proportionner", de "hiérarchiser", une pensée ou des propos dans le sens de ce qu'elle a décidé qu'il serait important de parler à ce moment-là !
Certes les personnalités politiques n'ont pas à recevoir plus que d'autres de la déférence ou de l'asservissement (au contraire) mais simplement du respect dû à l'exposé de leur pensée.
Je tiens à préciser que je ne suis absolument pas un soutien ou un électeur de M. Asselineau, ni d'un autre "petit" candidat d'ailleurs, mais que je suis très attaché aux débats de fond, aux controverses politiques ou philosophiques que la forme ne dégrade pas. Lors de cet interview, la forme, l'angle d'attaque, les interventions de Mme Ben Said ont dénaturé, sali, rendu caricatural et incomplet un exposé de fond qui aurait dû resté très pointu et précis. Sans doute était-ce une façon de "proportionner" ou "hiérarchiser" l'information...

J'ai toujours préféré l'original à la copie, et si j'ai besoin d'écouter des médias qui m'expliquent ce que je dois penser, ce qui est digne d'intérêt, et avec une forme douteuse d'intervention, non respectueuse des personnes, j'irai tout de suite sur BFM ou sur RMC...

La concomitance des deux événements de ce lundi 10 avril m'a poussé à vivement réagir...
J'espère que la prochaine fois, je n'irai pas définitivement éteindre ma radio ou écouter une station sans journalistes.

Vous pouvez bien sûr aussi faire passer ce message à M. Cohen, responsable de ce créneau d'antenne (et pas non plus irréprochable en la matière).

Cordialement,

Xavier Andrieux

La Médiatrice Radio France vous répond
12/04/2017 - 10:23

Frédéric Métézeau vous répond :

Cher monsieur,

Je vous remercie d’écouter France Inter avec passion et intérêt si j’en juge la longueur et la teneur de votre message.

Concernant ma chronique, j’assume ma position et je n’en ai pas honte, je pense que l’égalité stricte appliquée dans 4 tranches étanches les unes des autres est une décision contre-productive qui nous complique la tâche.

Quelques précisions à présent : je comprends mal votre interprétation « la loi, au-delà des complications engendrées, doit être respectée par tous ». Même si je n’en approuve pas les modalités, je respecte la loi et je passe plusieurs heures par semaine à effectuer des calculs compliqués pour respecter l’égalité stricte telle que demandée par le CSA. Je demande à mes reporters de faire de même.

Concernant « la bonne parole ». Chacun des 11 candidats a la conviction de relayer « la bonne parole ». Il ne s’agit pas d’étouffer et d’interdire qui que ce soit à l’antenne de France Inter mais de nous laisser faire notre travail et faire confiance à notre honnêteté journalistique. Avant la mise en place de l’égalité parfaite, France Inter est la radio qui a donné la parole au plus grand nombre de candidats, potentiels ou effectifs : 19 candidats. Les « grands » comme les « petits ». Nous n’avons aucune pression, politique économique ou syndicale. Nous évoquons les sondages avec parcimonie et minutie.

Bien cordialement.