Bonjour. Je viens d'entendre ce matin vos interventions et celles d'un certain nombre d'animateurs de Francer Inter dans "l'Instant M" de Sonia Devillers, et je suis un peu agacé par les réactions de chacun d'entre eux.

En résumé, je déplore une fois de plus que les journalistes aient réduit le débat sur la parole des politiques dans le cadre de la campagne pour les élections régionales - mais c'était la mauvaise question qui leur était posée - à des affrontements entre blocs et par rapport à la parole du FN. Comlme si le débat se réduisait à cela.

C'est pourquoi, par fidélité plus que cinquantenaire à cette radio, je ne peux pas croire que les gens d'Inter puissent continuer à tomber dans ce piège grossier.

Pardce qu'une fois encore, de la même façon que pour les élections municipales, l'information en France a été réduite à des affrontements de personnes devant l'opinion, à des querelles de coqs dans la basse-cour, à des rixes de mauvais garçons tout fiers de porter des coups à l'autre. On appelle ça les "affrontements droite-gauche" en langage journalistique.

Mais qu'en est-il, dans ce schéma simpliste, de l'information de fond que Radio France se doit de donner aux auditeurs et aux citoyens qui paient la redevance ? Faut-il que France Inter se contente de servir de chambre d'écho à ces affrontements pour rester dans le peloton de tête des radios généralistes sanctionnées par l'Audimat ? Même si c'est fait avec talent, ce n'est pas autre chose.

Aux municipales, déjà, personne dans la presse française n'avait ouvert franchement le débat sous l'angle des programmes des candidats. Pourtant on aurait pu faire de belles analyses par grandes tendances : dégager ce qui revenait le plus régulièrement dans les programmes politiques des candidats ; expliquer comment chaque formation politique traduisait sur le terrain son discours national ; porter un éclairage sur les préoccupations propres aux grandes ou aux petites villes ; donner à comprendre ce que le miroir des programmes traduisait des réflexions de ceux qui allaient élire leur nouveau maire. Et illustrer tout cela de façon claire et approfondie avec l'exemple de personnalités d'envergure nationale ou pas, mais qu'on aurait vu cette fois face au micro dans l'exercice quotidien de leurs charges et non plus dans la posture obligée dans laquelle la presse les enferme en permanence. C'est tellement instructif, quand on les observe de près...

Mais cette fois encore, on va gommer toute cette information à l'aube des élections régionales, alors même que comme en 1981 avec la première vague de décentralisation, le paysage administratif, politique et institutionnel de la France va subir de très importants bouleversements avec la fusion des régions. Et personne n'en parle vraiment.

On aura quelques papiers anecdotiques sur les changement d'appellation, mais après ? Sur les enjeux que posent au plan régional et national de tels regroupements ? Sur la nouvelle mécanique institutionnelle qui se met actuemllement en place dans la fièvre et l'incertitude ? Sur les profondes modifications du quotidien des Français que va entrainer ce mouvement ? Sur l'espoir et les craintes qui naissent dsans chaque commune pour un avenir qui conjugue un nouveau périmètre d'intervention avec la perte d'identité qui en découle ?  

Je crains malheureusement qu'à Inter comme ailleurs on en creuse pas davantage ces pistes, un peu comme si pour des journalistes parisiens la possible/probable/éventuelle vistoire du FN dans le Nord et les régions perdues par le PS constituaient la seule information qui vaille en France...

Car je connais d'avance les réponses que Patrick Cohen, Thomas Legrand et les autres intervenants du 7/9 ne manqueront pas de me faire : "cher auditeur, vos remarques ont retenu toute notre attention, mais vous savez, tout cela est très technique et très compliqué pour l'auditeur ; tout le monde n'est pas au fait des mécanismes institutionnels, et finalement, ça n'intéresse pas les gens... Et puis il faut bien le dire, tout cela est très local, et il y a des relais de presse qui s'en chargent sur le terrain ; nous, nous avons une information plus globale à donner... Et puis quoi, ce procès que vous nous faites est injuste  quand on pense à toutes les matinales d'Inter dans le tour de France des régions...!"

Soit. Mais je voudrais conclure en rappelant qu'on essaie de réintroduire, avec toutes les peines du monde, un minimum de connaissances dans l'enseignement du second degré. Ca ne s'appelle plus "instruction civique", mais c'est la même chose. C'est à dire l'acquisition des connaissances élémentaires pour comprendre dans quel paysage institutionnel, économique et social on vit, et quels en sont les principaux mécanismes. C'est ainsi qu'on forme les citoyens, et il me semble bien que c'est aussi la mission d'une radio de service public que d'y contribuer activement.

Moi qui intervient régulièrement dans les formations de Sciences Po dans un établissment du sud de la France, je constate combien des candidats qui sortiront des IRA avec une perspective de carrière en administration centrale ou déconcentrée sont largement dépourvus de ces connaissances. Et ils auront pourtant à mettre en oeuvre des politiques publiques...

Alors comment faire comprendre l'action publique à des citoyens qui iront voter sans connaître les enjeux et conséquences de leur vote autrement qu'à travers la réduction caricaturale de l'information politique actuelle, fondée sur l'immédiateté de l'analyse, sa condensation en un seul aspect, la réduction des données à quelques chiffres et l'exaltation de la petite phrase ? Ce travers permanet de la presse française, auquel maheureusement Inter n'échappe pas vraiment - écouter l'émission de ce matin - contribue largement à la désaffectation du grand public pour la chose politique.

A quelques semaines de cette importante échéance électorale, il serait plus qu'urgent qu'Inter réagisse et nous entraine enfin sur les chemins de la connaissance.

Avec mon affection complice pour le son d'antenne, la play-list et la qualité de la grille d'Inter.

CS