Comme chaque dernier vendredi du mois, nous décryptons la ligne éditoriale de France Inter et le traitement médiatique de l’actualité.

Ce mois de mai a été intense, les auditeurs nous ont beaucoup écrit.

Au menu : les élections européennes, l’affaire Vincent Lambert, la chanson de Frédéric Fromet sur Notre-Dame de Paris, la publicité Air France et l’environnement sur France Inter.

La médiatrice reçoit Laurence Bloch, Catherine Nayl, Danielle Messager et Thomas Legrand.

Les élections Européennes

Les auditeurs de France Inter ont été nombreux à déplorer que les journalistes s’enferment dans des sujets franco-français,  lors de la campagne des élections européennes

Message de Didier : « Je réagis à vos grands entretiens avec les têtes de listes européennes. Vous ne développez pas les sujets européens : quid d’un SMIC européen, de la politique de concurrence, d’une défense européenne, de taxes aux frontières vous n’abordez que les sujets de politique franchouillarde. Ce matin c’était caricatural : le cas Vincent Lambert, l’opinion de M. Bellamy sur l’avortement en Alabama, son vote à la présidentielle 2017 »

Un constat formulé également dans le mail de  François : « Vous contribuez au désamour et au désintérêt des Français pour l’Europe en focalisant vos questions sur des thèmes qui n’ont rien à voir avec l’Europe, voire sur des faits divers. J’attends de France Inter qu’elle fasse comprendre aux Français les vrais enjeux que proposent les différents partis à propos de l’Europe. »

Catherine Nayl : « Je m’inscris en faux. Depuis trois mois, avec des émissions délocalisées en Europe, sur le fonctionnement de l’Europe ou du Parlement, nous avons cherché à ouvrir le plus possible la réflexion de nos auditeurs. Certes nous votons en France, avec des candidats français, mais il faut qu’ils aient l’occasion de s’exprimer, ce qu’ils ont fait à travers des grands entretiens et à ce moment-là, politique française, actualités et thématiques européennes s’entrecroisent.

Thomas Legrand : « On parle beaucoup d’Europe dans plusieurs émissions et à travers toute l’antenne. Évidemment il y a eu un prisme français, mais je dois dire en tant qu’observateur des précédentes élections européennes que l’on a fait des efforts, on a plus parlé d’Europe qu’avant. Nos auditeurs ont quelques fois une oreille sélective. Ils retiennent plus les petites questions politiciennes.

Les auditeurs et auditrices reprochent également un traitement trop centré sur la lutte La République en marche, le rassemblement national :

Catherine écrit : « Je n’en peux plus de n’entendre parler que de la guéguerre La République en marche, le rassemblement national qui tue  le débat européen et  le réduit à une compétition stérile Les meetings des écologistes sont très rarement mentionnés or si les écolos ont du mal à percer en France, c’est pourtant un groupe important au parlement européen. Pouvez-vous m’aider à comprendre pourquoi ce manque de relais ? »

T. L. : « On a beaucoup parlé d’environnement. Sur le duopole La République en marche, le Rassemblement National, ce sont deux visions de l’Europe différente et ce sont les deux partis les plus importants. Il y a un devoir d’équité et d’égalité qui nous incombe : on a parlé de tout le monde.

C. N. : « Le CSA nous demande avec cette équité de donner plus de temps de parole aux partis les plus représentés. Effectivement, à l’antenne nous avons entendu plus de représentants de La République en marche et du Rassemblement National. Mais nous avons fait énormément de sujets qui donnaient la parole à tout le monde.

Au sujet du débat avec France,  les auditeurs regrettent le choix d’évincer des candidats pertienents en « prime time ». Comment avez-vous procédé pour l’organisation de ce débat ? À quelles difficultés avez-vous été confrontées pour ce débat ?

C.N. : « Au delà de 6 candidats, vous n’apportez rien à l’auditeur. Il y a une cacophonie et nous ne sommes pas sur le fond. Au total, nous avons entendu sur une égalité de temps de parole, 15 listes sur 34. »

On poursuit avec le message de Stéphane : « Je suis déçu par le début de la soirée électorale sur France Inter. Pourquoi ramener l’élection européenne à une question sur Emmanuel Macron? Pourquoi interrompre les discussions pour une déclaration d’Edouard Philippe ? Vous avez une responsabilité pédagogique. Il faut nous expliquer les résultats pour le parlement Européen et ne pas rentrer dans le jeu de ceux qui ramènent le scrutin à un enjeu de politique nationale. »

C.N. : « Nous n’avons pas à la même les estimations sur le plan national et européen. Une soirée électorale c’est du décryptage, mais c’est aussi entendre des faits. *

T.L. : « Nous avions comme invitée une des représentantes de la fondation Robert Schumann qui nous a expliqué les enjeux européens pour que nos auditeurs comprennent ce qu’il se passe au Parlement européen. Après, est venu le temps des résultats.

Si vous passez le Premier ministre en direct en coupant les invités, c’est vécu comme une intrusion, si on ne le passe pas, nos invités qui sont là risquent de ne pas commenter quelque chose qui vient d’être dit par le chef de la majorité. On a assumé de le passer. »

Christine nous écrit : « Je suis scandalisée, ce matin au lendemain d’élections européennes méritant de vraies analyses, d’avoir beaucoup trop entendu de commentaires sur le ratage des prédictions des instituts de sondage. Finalement les instituts de sondage seraient devenus des forces politiques ?  J’en ai assez de la place prise par ces organismes ! »

T.L. : « On a invité à 7h50 Brice Teinturier. On avait des questions à lui poser pour justement répondre aux auditeurs qui nous critiqueraient pour s’être basés sur des sondages qui ne disaient pas la vérité. Il a répondu. Il faut interroger les sondeurs, s’interroger nous aussi. »

 

Le cas Vincent Lambert

Danielle Messager, chef du service société et spécialiste santé à la rédaction de France Inter.

Le cas Vincent Lambert a suscité beaucoup de courriers. Des critiques du traitement médiatique de cette affaire. Ces critiques touchent davantage l’ensemble des journaux et la rédaction mais c’est avec vous qu’il nous semble le plus pertinent d’aborder ce dossier hors-norme puisque vous le suivez depuis le début.

On commence avec le mail de François : « Le traitement de l’affaire Vincent Lambert me choque profondément. Vous prenez clairement parti pour les parents en présentant leurs émotions, et en donnant un écho disproportionné aux arguments de leurs avocats. »

Y a t-il un parti pris dans le traitement de cette affaire?

Danielle Messager : « Dans les éléments des journaux, on fait toujours attention à contre-balancer les prises de parole. Ceci étant, je comprends parfaitement ce sentiment dans la mesure ou ce sont les parents qui ont occupé l’espace, pour la bonne raison que le camp adverse ne souhaitaient pas s’exprimer. Ce n’est pas une volonté de la rédaction de privilégier un point de vue, mais ce lundi 20 mai, les parents étaient seuls. »

Autre critique l’approche sensationnaliste du dossier. Pierre écrit : « Moi qui écoute France Inter toute la journée, je suis atterré d’avoir à subir heure par heure, « l’avancée » des suites de la vie de Vincent Lambert. Un peu de décence ; cessez de me dire qu’il n’est plus nourri, qu’il est sédaté, qu’il est… Je n’en peux plus de cette information terriblement « voyeuriste ». »

Danielle Messager : « Quel est le fait d’actualité ce jour-là ? C’est l’arrêt des traitement. Le journaliste ne peut pas se contenter de dire « aujourd’hui on arrête les traitements ». Il faut expliquer ce que ça signifie parce que toute l’affaire Vincent Lambert repose autour de cette demande d’arrêt des traitements. Ce n’est pas du voyeurisme, c’est de l’information, c’est dire que ce qui est entrain de se passer est conforme à la loi. »

Dans cette affaire le traitement médiatique d’un épisode a particulièrement choqué les auditeurs. Un bref rappel des faits : le lundi 20 mai une marche parisienne réunissait plusieurs centaines de personnes réclamant la vie pour Vincent. Et une énorme clameur a retenti lorsqu’apprenant la  décision judiciaire de reprise des soins l’un des avocats des parents de Vincent Lambert a sauté de joie et a lancé à la foule : « On a gagné ! C’est la remontada »

De nombreux auditeurs ont été choqués. L’un d’eux écrit : « Je trouve inadmissible la façon avec laquelle on décrit ces centaines de personnes manifestant leur joie. ils sont uniquement motivés par des préceptes de religion chrétienne extrêmes catholiques voire intégristes. Votre traitement médiatique semble leur donner de la légitimité. C’est du prosélytisme pour une radio laïque et publique »

Danielle Messager : « C’est un élément d’information qui ne peut pas être passé sous silence. C’est un épisode qui vient éclairer la façon dont une partie de la famille se comporte. Le reste de la famille s’est ensuite exprimé »

 

Frédéric Fromet et la cathédrale

« Elle a cramé la cathédrale » c’est le titre de la chanson de Frédéric Fromet. Nous avons reçu des centaines de mails d’auditeurs. Le message de Yolande reflète à lui seul l’ensemble des courriers : « Je trouve honteux la diffusion d’une telle chanson sur le service public. Les propos sont haineux et incitent à la haine. Elle n’est pas seulement irrespectueuse  pour les catholiques mais aussi pour les Français, ceux qui aiment les belles choses, la culture, et qui respectent les œuvres du passé ». 

Laurence Bloch : « Je voudrais dire çà tous les auditeurs et auditrices qui se sont sentis blessés par cette chanson que j’en suis désolée et que ce n’était pas le sujet de la chanson de Frédéric Fromet. Cette chanson s’inscrit dans une émission de divertissement dans laquelle il y a de l’humour, du second de degrés, des choses de mauvais goût, mais de la liberté. Ce n’est pas une chanson qui se moque de l’incendie de Notre-Dame mais pointe une concordance des temps très singulière.

Je comprends que l’on soit choqué, mais il faut garder de la distance sinon la démocratie n’existe plus. Il n’y avait aucune intention de nuire, de provoquer, de blesser. »

La publicité Air France

On passe maintenant à une publicité qui ne passe pas auprès des auditeurs et des auditrices :

Anouck nous dit qu’elle est « restée bouche bée en entendant la météo de France Inter sponsorisée par Air France » et Agathe nous écrit : « « Qui rechigne à la transition écologique ?  » c’est l’annonce sous forme de question du sujet du Téléphone Sonne et juste après j’entends la pub pour Air France qui vante les mérites des vols internes. Quand on sait que c’est le moyen de transport le plus polluant. N’y a-t-il pas là une belle contradiction ? »

Laurence Bloch : « Nos auditeurs ont raison. Cette confrontation entre la météo et Air France, ce n’est pas tout à fait opportun. Cela étant, ça pose la question de la transition écologique dont on va s’emparer à la rentrée : à ce jour il y a encore des citoyens français qui ont besoin de prendre l’avion. Par ailleurs Air France est annonceur tout à fait légitime et nous n’aurions pas le droit, c’est un refus de vente sinon, de nous opposer à des publicités d’Air France.

Lors de notre dernier rendez-vous vous indiquiez que vous étiez en pleine réflexion sur une nouvelle émission consacrée à l’environnement, à l’écologie. Est-ce que ce projet verra le jour sur l’antenne à la rentrée prochaine ?

Laurence Bloch : « Absolument. C’est une émission qui verra le jour sur la grille de rentrée et qui s’appellera « La terre au carré » qui sera porté par Mathieu Vidard tous les jours de 13h30 à 14h30. C’est une émission qui se veut participative, engagée, référente, une émission qui invitera des scientifiques et des jeunes, des artistes, des philosophes pour que tous ensemble on organise la transition écologique. »