Voici les principales thématiques abordées par les auditeurs dans leurs courriels du 15 au 22 mai 2020. 

1- La langue française à l’heure du coronavirus

2- Le télétravail
3- Alain Finkielkraut, invité de la matinale de France Inter
4- Regards sur le déconfinement
5- L’édito M : « Dire « les Parisiens », ça suffit ! »
6- La publicité pour les voitures
7- La chloroquine
8- Pêle-Mêle de remarques des auditeurs
9- Les auditeurs suggèrent des thèmes de reportages
10- Merci aux équipes de Radio France
11- Témoignages, poèmes et lettres d’intérieur d’auditeurs

Etudiants, couples avec jeunes enfants, retraités, un million de franciliens et près de 200 000 Parisiens intra-muros ont fait le choix de quitter Paris pour ne pas vivre entre les murs d’un logement de quelques dizaines de mètres carrés pendant plusieurs semaines.

A la veille du déconfinement, la parole leur a été donnée à travers des reportages ou des émissions. Un choix incompréhensible pour des auditeurs :

« Comment osez-vous passer à l’antenne des propos de gens très aisés qui ont fui Paris (…) c’est une obscénité sans nom (…). Que les nantis fassent ce qu’ils veulent, mais s’il vous plaît, ne leur donnez pas la parole sur les ondes. ». Cette auditrice fait référence à un jeune couple – vivant à Paris dans 45 mètres carrés avec un bébé – parti vivre chez un ami ayant une maison à la campagne, proposition qu’il a faite à plusieurs de ses proches. Le qualificatif de « nantis » laisse songeur au regard du profil du jeune couple, c’est pourtant celui qui est le plus souvent cité et associé aux « Parisiens » dans les courriels :
« Je ne comprends vraiment pas comment vous avez pu donner la parole à des citadins (Parisiens en l’occurrence) qui, bien sûr parce qu’ils ont davantage de moyens que Monsieur Tout le monde, ont choisi d’aller se confiner à la campagne, dans des résidences bien confortables. »
« Depuis le début de la pandémie de coronavirus, et de manière nettement accentuée en cette fin de confinement, je suis surpris que tant de vos reportages traitent de manière très neutre, quand ce n’est pas valorisante, le comportement complètement incivique de certains de nos compatriotes, consistant à enfreindre les règles gouvernementales visant à limiter la propagation du virus. Ce matin, dimanche 10 mai, nous avons eu droit à un reportage sur le bonheur de Parisiens réfugiés dans leur résidence secondaire, et qui s’y plaisent tant qu’ils s’imaginent très bien vivre loin de Paris dorénavant. »

La neutralité des journalistes

Dans cette critique sévère, observons un élément réjouissant : « vos reportages traitent de manière très neutre », sous-entendu « trop » neutre. On reproche donc ici à des journalistes leur neutralité. La chose est suffisamment rare pour être relevée et appréciée. Les auditeurs déplorent habituellement le parti-pris des journalistes. Ici, c’est au contraire leur absence de partialité qui les désigne coupables. Car cette neutralité signe leur indulgence à l’égard du choix de certains de leurs concitoyens : le journaliste a été : « complaisant envers ces Parisiens. Il aurait dû au contraire souligner que ces gens ont pris le risque de contaminer des gens qui n’avaient rien demandé, au risque ensuite de saturer des hôpitaux bien moins équipés qu’à Paris. »
« Le journaliste était très en accord avec eux et n’a, à aucun moment, exprimé ne serait-ce qu’un petit reproche ! » ,
« Et vous ne dites rien, vous lui donnez votre aval à cette infraction du confinement ».
« Ces comportements sont inciviques, et la promotion qui en est faite par votre radio est immorale. ».

Situer le journalisme dans le champ de la morale ouvre une réflexion ambitieuse, trop vaste même pour que tous les aspects qui y réfèrent soient abordés ici. Cependant, rappelons simplement que, dans son aspect normatif, la morale est l’ensemble des règles suivant lesquelles on agit et on juge les actions au point de vue du bien et du mal. Au regard du jugement de valeur, la conscience morale c’est le pouvoir d’apprécier et de juger la conduite selon le critère du permis et du défendu avec toute une gamme d’appréciations allant de l’éloge au blâme. Or les principes de l’approbation et de la réprobation n’entrent pas dans le périmètre du journalisme, que cela soit dans les commentaires d’un reportage ou lors d’une interview d’un auditeur en direct sur l’antenne.

Prendre parti pour ou contre une décision, décider si tel comportement est irresponsable, si telle attitude est raisonnable n’est pas dans le rôle du journaliste.
Il doit avant tout être factuel dans sa manière d’interroger un choix – aller se confiner à la campagne lorsqu’on vit à Paris – il questionne celui qui a décidé d’agir ainsi en connaissance de cause, en assumant des responsabilités acceptées, des risques consentis.

Faire entendre cette parole n’est pas immoral. La radio, les médias généralistes, donnent à entendre différents points de vue, à chacun ensuite de se faire un avis. Et il y a autant d’avis qu’il y a de sensibilités. C’est un fait d’observation courante qu’il existe une grande diversité d’opinions touchant le permis et le défendu, le louable et le condamnable, le tout étant soumis aux fluctuations de la conscience collective.

En contrepoint, on me rétorquera que souvent les journalistes émettent un point de vue. En effet, c’est le cas des éditorialistes ou des médias d’opinion. On m’objectera également que la manière d’interviewer ou de faire des sous-entendus laissent poindre l’opinion du journaliste. Libres aux auditeurs de le penser mais, je l’ai déjà écrit ici, la formulation d’une question, le ton employé lors d’une interview ne révèlent pas systématiquement le positionnement idéologique, politique ou moral d’un journaliste.

Poursuivant leurs critiques des Parisiens, un auditeur écrit : « Ils n’ont pas respecté le confinement en se rendant dans leur maison secondaire (…) ils sont irrespectueux de l’intérêt collectif au profit de leur individualisme. ». Un point de vue partagé par d’autres auditeurs estimant que ces Parisiens ont enfreint la règle en quittant la capitale alors que ce n’était pas autorisé. Faux. Quand ils sont partis, ils en avaient le droit a rappelé le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner. Rentrer à leur domicile principal pour reprendre leur travail ou scolariser leurs enfants a été autorisé sous la condition d’être munis d’une dérogation de déplacement.

Emmanuelle Daviet