« Seriez-vous devenus une radio macronienne ? ». « avec votre dernière invitée ce matin, [NDLR = Mme Buzyn] c’en est trop: quand ce n’est pas De Rugy, ou B. Le Maire et donc ce matin encore une ministre, la voix de l’Elysée est omni-présente.Il n’y aurait donc pas d’autres voix à entendre que celles des ministres ?
Vous manquez à ce point d’imagination ? Ou bien Radio France devient le porte-voix de la parole officielle ?
». Vous êtes nombreux à nous écrire avec cette impression d’entendre beaucoup de ministres invités sur nos antennes. C’est en fait le résultat « pervers » du nouveau système de comptabilité du temps de parole imposé depuis le 1er janvier par le CSA (Conseil Supérieur de l’Audiovisuel).
scemas-temps-de-parole-4Le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel a décidé d’établir – à compter du 1er janvier – de nouvelles règles « sur le temps de parole des responsables politiques à la télévision et à la radio en dehors des périodes électorales ». Pour le CSA, « il s’agit de s’affranchir des notions de majorité et d’opposition, en assurant une meilleure équité des formations politiques ». Désormais, le pouvoir exécutif (Présidence et gouvernement) bénéficie d’un tiers du temps de parole, les deux tiers restants reviennent à toutes les formations politiques, selon la règle de l’équité.

Un tiers du temps de parole pour à peine 50 personnes


L’impression de surreprésentation des ministres et membres de la présidence et du gouvernement vient du fait qu’ils disposent de 33% du temps de parole. Or, ils représentent tout au plus une cinquantaine de personnes. En face, les 67% dédiés à l’ensemble des formations politiques (selon les règles de l’équité) peuvent accueillir des milliers d’élus, militants et sympathisants.

D’un côté, on a « l’impression d’entendre toujours les mêmes », de l’autre la variété de « voix » est assurée sans difficultés.

Autre effet pervers : les rédacteurs en chef choisissent les invités en fonction de l’actualité, avec les politiques les plus pertinents, en équilibrant voix officielles et voix d’opposition. Ils font tout simplement leur travail de journaliste et de responsable d’antenne. Mais ces règles imposées par le CSA nous entraînent dans des déséquilibres logiques en fonction de l’actualité, mais inconcevables administrativement. Le journaliste devient un comptable au détriment des choix éditoriaux.

Rattrapage du déficit de temps de parole

Conséquence : à l’approche de cette fin de trimestre, moment où le CSA va étudier la bonne (ou la moins bonne) tenue des temps de parole politique par tous les médias audiovisuels (publics et privés), les rédactions essaient de compenser le déficit de temps accordé au « tiers gouvernemental » en invitant plus souvent des ministres. Ce qui renforce encore cette impression de surreprésentation des membres du gouvernement.

Enfin, les membres de « La République en marche » disposent, comme tous les partis, d’un temps de parole dans les 67% accordés aux formations politiques. Étant le groupe parlementaire le plus important, ils bénéficient, selon les règles de l’équité, du temps de parole le plus important.

scemas-temps-de-parole-3

Un ministre tous les trois jours pour être dans les règles

Tous les médias audiovisuels sont confrontés à cette situation inconfortable et peu journalistique. Nous avons calculé que, pour respecter pleinement les règles du CSA, cela revient à accueillir au micro un membre de l’exécutif tous les trois jours.

Le sentiment de saturation de la part des auditeurs est évident. Mais il faut vraiment comprendre que nous sommes soumis à ces contraintes de temps de parole, contrairement à la presse écrite et aux sites internet.

Bruno DENAES.