L’annonce par le groupe pharmaceutique Pfizer de son vaccin contre le Covid-19 réduisant de 90% le risque de tomber malade du virus a suscité en début de semaine un immense espoir à travers le monde. Les Etats-Unis estiment qu’ils pourraient avoir un vaccin autorisé d’ici à quelques semaines et l’Union européenne “début 2021”.
Le président américain Donald Trump a salué une « excellente nouvelle ». Joe Biden, qui le remplacera à la Maison-Blanche le 20 janvier, a évoqué un signe d’ »espoir ».
La France reste prudente, en estimant qu’il est « très tôt » pour décider des conditions de son déploiement dans le pays.

On ignore encore si le vaccin confère une immunité longue. Mais l’annonce a immédiatement provoqué une vague d’optimisme et un bond des Bourses mondiales, dix mois seulement après le séquençage du coronavirus, une prouesse scientifique. Le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a salué « une innovation et une collaboration scientifique sans précédent pour mettre fin à la pandémie ! ».

Dès l’annonce par Pfizer et BioNTech que leur candidat vaccin est « efficace à 90% » contre le Covid-19, de nombreuses questions ont émergé : durée de la protection, efficacité chez les sujets à risque, défi logistique d’une conservation à très basse température…

Pour balayer l’ensemble de ces interrogations, Franceinfo a consacré dès mardi une journée spéciale à cette actualité. Une ultra réactivité rendue possible par la nouvelle organisation mise en place au sein de la rédaction. Comme l’annonçait Vincent Giret, directeur de Franceinfo dans le rendez-vous de la médiatrice le 27 juin, son antenne s’est dotée depuis la rentrée 2020 d’un nouveau pôle réunissant des journalistes spécialisés en sciences, santé, environnement et technologies. L’ambition affichée ? Constituer une “force d’action et d’expertise rapide” “pour apporter une réponse scientifique et immédiate à la crise sanitaire ».

Le rédacteur en chef de ce nouveau pôle, Olivier Emond a détaillé les modalités de fonctionnement de ce service dans le rendez-vous de la médiatrice le 12 septembre. Un service pleinement mobilisé mardi où l’antenne a apporté une réponse scientifique avec différents éclairages : reportages, explications des journalistes spécialisés en sciences et santé, témoignages de médecins, épidémiologistes et virologues en quête de traitements ou d’un vaccin contre le Covid-19, comme Odile Launay, infectiologue à l’hôpital Cochin, qui coordonne une campagne de recrutement de volontaires pour des tests.
Tout au long de cette journée spéciale, une pluralité de points de vue a pu être entendue :
« Faut-il que le vaccin contre le Covid-19, quand il sera disponible, soit obligatoire ? » « Oui, obligatoire », a déclaré Yannick Jadot, mardi dans le « 8h30 franceinfo » micro de Salhia Brakhlia et Marc Fauvelle. « J’espère que tout le monde ira se faire vacciner », a ajouté le député européen Europe Écologie-Les Verts

De son côté, Jean-Louis Touraine, médecin, député LREM du Rhône, membre de la commission des Affaires sociales, a estimé sur cette même antenne que ce vaccin « C’est un espoir formidable », mais il se dit contre une obligation de vaccination. « Aujourd’hui 59% des Français souhaitent être vaccinés dès que possible, alors commençons par ceux qui désirent être vaccinés », a-t-il avancé.
« Vous comprenez bien que pour ce vaccin nouveau il pourrait être déraisonnable de se précipiter immédiatement vers une obligation de vaccination de certaines personnes craignant que cette innovation ne soit pas encore suffisamment maîtrisée », a-t-il argumenté.
Même si ce vaccin « ne sera utilisé seulement après toutes les précautions d’usage, il y aura certaines personnes qui seront craintives, donc plutôt que de les forcer, il est préférable de commencer par vacciner ceux qui sont les plus exposés notamment les personnels soignants, ceux qui le sont du fait de leur âge, ceux qui font de l’obésité, de l’hypertension et progressivement on aura des doses plus importantes », car dans un premier temps, « on n’aura pas tout de suite de quoi vacciner 60 millions de Français ».

Sur France Inter, mardi, dans le 5/7, Jean-François Saluzzo, virologue et expert auprès de l’OMS, a estimé que cette étape était très encourageante : « Si effectivement ce vaccin est efficace, nous sommes à l’aube d’une révolution technologique dans le domaine des vaccins ». Il estime que cette avancée pourra permettre de « tourner la page des maladies infectieuses ». Le procédé utilisé est « tout à fait nouveau et révolutionnaire », selon le virologue. La méthode se fonde sur « l’utilisation d’acides nucléiques, en l’occurrence l’ARN [acides ribonucléiques] » mais cela implique aussi que « les autorités vont devoir prendre des risques », car c’est « la première fois qu’on utilise ce type de vaccin ». Et l’étape « de l’enregistrement de ce vaccin par les autorités nationales » est un processus qui peut prendre beaucoup de temps.
Néanmoins, « c’est la première fois qu’on fait une étude clinique de phase 3 en deux mois », remarque le virologue, généralement lors de la phase 3 d’un essai clinique, « on fait un suivi sur un an ou deux ans pour savoir si, au bout de six mois ou un an, le vaccin protège ». Cette accélération du processus s’explique notamment par les gros investissements des pouvoirs publics dans la recherche : « Ce sont les gouvernements qui payent ce développement, donc les laboratoires peuvent se permettre de franchir toutes les étapes à grande vitesse, puisque le risque financier n’existe pas ».

Il faut aussi prendre en compte « le problème industriel », a poursuivi Jean-François Saluzzo qui se demande « qui est capable de produire des centaines de millions de vaccins et de doses ». Pour le virologue, « il y a des espoirs, mais il ne faut pas anticiper de pouvoir être vacciné à la fin de l’année. Ce n’est pas réaliste. Il faudra des mois et des mois pour qu’on arrive à quelque chose de sérieux ». Le grand public « devra probablement attendre le printemps », a-t-il indiqué en guise de conclusion à cette interview particulièrement éclairante.

De tels invités sont particulièrement appréciés sur les antennes et permettent aux auditeurs un éclairage bien utile sur tous ces aspects sanitaires et scientifiques qui nous dépassent le plus souvent. Ces questions, ils ont pu les poser mardi soir dans le Téléphone sonne intitulé : « Covid-19 : a-t-on trouvé un vaccin ? ». Les auditeurs nous ont également fait part de leurs réflexions à travers leurs courriels :

« Sachant que le protocole de test de vaccin s’exerce d’abord sur une population jeune et en bonne santé, il est urgent d’attendre. Attendre les résultats sur tout type de personnes, y compris les personnes âgées. Et qui pourra bénéficier de ce vaccin ? Sachant qu’il est fabriqué avec une technique à ARN, augmentant le risque de déclenchement de maladies auto-immunes, donc excluant toute une part de la population susceptible de faire ces réactions. Enfin, pour une réelle efficacité il faut une couverture vaccinale suffisante, qu’on n’aura probablement pas avec la défiance ambiante vis à vis de la vaccination. Ou alors il faudrait interdire le vaccin aux français pour qu’ils se ruent dessus et le réclament à cor et à cri… »

« Je suis habituellement provaccin mais là, un nouveau vaccin ARN développé dans l’urgence, non merci ! Aucun recul sur les effets secondaires à long termes. Nous n’avons pas à jouer aux cobayes ! »

« Dans l’éradication de la variole, puis de la polio, ou bien dans les programmes de vaccination de l’enfance le plus difficile n’a pas été de produire des vaccins mais de les acheminer dans le respect de la chaine du froid, de façon que leur efficacité soit préservée jusqu’à l’administration.
Puis-je vous suggérer de prendre contact avec des logisticiens pour les questionner sur la faisabilité à court terme des énormes chaines du froid à -70°C que demanderait une vaccination de masse contre Covid ?
Je rappelle qu’en France 41% de la population est vaccinoseptique. Comment alors atteindre les 70% de vaccination nécessaire, couvrir la population avec des vaccins élaborés en urgence et une technologie nouvelle ? »

Emmanuelle Daviet,
Médiatrice des antennes