JOJO RABBIT s’impose un défi de taille : faire rire au sein d’un contexte tragique et ridiculiser l’horreur par la parodie et le sacrilège. Par là même, il engage le spectateur à questionner son propre regard sur cette horreur, sur les limites de sa représentation solennelle ou transgressive, et ainsi, à réfléchir sur la manière dont notre époque, 80 ans après, se retrouve anesthésiée par le spectacle politique, amnésique, incapable de se prémunir de la résurgence des populismes. Waititi va ici plus loin que LA VIE EST BELLE. Car la comédie ne réside pas uniquement dans les facéties d’un père pour protéger son fils comme chez Benigni, mais dans une volonté de faire rire du pire. Bien sûr, Waititi ne trivialise jamais l’Histoire et sa réalité dramatique. Au contraire, il attaque par le rire les codes nazis (les saluts hitlériens à répétition entre Jojo et des agents de la Gestapo) et en rappelle ainsi la nature profondément ridicule. Risible, au sens sardonique. Tout le sel de JOJO RABBIT vit dans cette mécanique d’écriture et de mise en scène. Car au détour d’un calembour idiot attend toujours la rupture de ton qui, elle, offre un contre-champ aussi bien littéral que plus métaphorique à la comédie, rappel brutal de ce qui se cache derrière la gaudriole. Dans cette expérience, le spectateur donne la main à Jojo qui, tout au long des 110 minutes du récit, va être confronté scène après scène au contre-champ de son idéologie, à la réalité de ce qu’elle implique et à la complexité de l’existence. Émergent de cette prise de conscience graduelle quelques séquences mémorables – le long dialogue, sublime, de Jojo avec sa mère au bord de l’eau – et une scène finale splendide où la poésie quotidienne d’une simple danse triomphe de l’absurdité de la haine.