Monsieur,

Je suis auditeur de France Culture depuis des longues années et je dois même préciser auditeur exclusif et passionné.

De cette radio d'exception on attend la plus grande rigueur dans le traitement de l'information et un souci du détail et de la nuance dans l'expression qui fait trop souvent défaut ailleurs.

C'est l'affaire Fillon qui me conduit, comme d'autres avant moi, à vous écrire. Je ne suis pas choqué de la place que vous lui accordez car d'un candidat qui a fait de la probité son étendard le moins qu'on puisse attendre c'est que sa vie soit en accord avec ses idées.

Mais je l'ai été par les propos d'Amélie Perrier dans le journal du mardi 7 février à 8h. Elle annonce dans les titres du journal qu'elle s'intéressera aux revenus que François Fillon a retirés de sa société de conseil dont elle nous dit que c'est- je cite- " une petite entreprise très lucrative". Elle nous précise ensuite que cette société a perçu plus d'un million d'honoraires.

En arrière plan il y a bien sûr la question d'un éventuel conflit d'intérêts entre public et privé évoquée à juste titre par Sarah Ghibaudo dans le journal. Cette dernière aurait d'ailleurs pu ajouter que les conditions de création de cette société de conseil, juste avant que F Fillon ne quitte le gouvernement, sont assurément critiquables ainsi que l'avait révélé le Canard Enchainé il y a déjà de quelque temps (puisqu'il a contourné une loi qui vise à empêcher les hommes politiques de monnayer leur influence après la cessation de leurs fonctions)

Mais de quoi fait-on le procès? D'un dirigeant politique qui aurait violé la loi? Ou d'un dirigeant politique qui a exercé une activité, dans un cadre légal, qui lui a procuré des revenus importants? Ce n'est pas exactement la même chose.

Dans le premier cas, l'importance des revenus n'est pas indifférente (elle rend la faute plus choquante encore) mais elle est secondaire.

Dans le deuxième cas elle est hors sujet. Or le parquet a décidé de ne pas ouvrir d'enquête.

Le sujet méritait d'être traité mais le titre de l'ouverture du journal n'aurait pas dû être "une petite entreprise très lucrative" mais l'exercice d'une activité qui pose la question d'un risque de conflit d'intérêts. Autrement dit le procès instruit aujourd'hui n'est pas celui de l'argent mais celui de comportements qui violent la loi.

En ne faisant pas cette distinction, Madame Perrier ajoute sa voix à cette veine populiste qui considère qu'on ne peut être entièrement probe et désintéressé et donc apte à exercer des fonctions publiques quand on a des revenus importants ( cf d'ailleurs la présentation de Macron comme " ancien banquier d'affaires"). Devrait-on instaurer un système censitaire inversé qui interdirait de se présenter aux fonctions publiques au delà d'un certain niveau de revenus?

Je vous prie, Monsieur, de bien vouloir transmettre mon message à Madame Perrier.

Cordialement.

Pascal Coudin

La Médiatrice Radio France vous répond
14/02/2017 - 10:14

Voici la réponse d’Amélie Perrier

« Cher auditeur,

J’ai lu avec attention votre commentaire, et je reconnais que vous avez raison, le raccourci prête à des interprétations populistes.

Le sujet est bien sûr le conflit d’intérêt possible.

La phrase licencieuse est extraite de mes titres, exercice où l’on doit dire en peu de mots le maximum d’informations, et être suffisamment accrocheur pour éveiller la curiosité de l’auditeur. Mais ici, il dévoie l’information. Raccourci trop rapide. Mea culpa.

Je vous remercie en tout cas de votre fidélité à notre antenne, de ce commentaire courtois et constructif dont je prends bonne note,

Bien à vous

Amélie Perrier »