Cher Monsieur,
Cher Guillaume Gallienne,
Chère voix,

Pardon pour cette familiarité que je me suis octroyée : c’est là le charme et le danger de la correspondance. Bien que je sois votre aînée, je suis un peu intimidée : c’est ma première lettre de « fan »… ! Je pense que vous en aurez d’ailleurs l’exclusivité car je sais que je ne m’y risquerai pas une deuxième fois. Mais une petite lettre d’admiratrice, dans toute une vie, ça n’ peut pas faire de mal !
Vous aurez peu de temps pour me lire. Si jamais vous me lisez. Peut-être même, cette lettre ne connaîtra-t-elle que la joie du voyage et finira-t-elle bien vite, telle une tête d’aristocrate, dans une corbeille… Quel triste destin ! À moins qu’elle ne soit lue par quelque collaborateur, ou collaboratrice, qui l’aura tirée au hasard dans le monceau de votre correspondance… de sorte que je peux toujours me consoler en pensant qu’elle ne sera pas restée lettre morte.
Mais trêve de métaphores.
Les compliments annoncés se font attendre ! C’est que je les trouve soudain très banals et que je ne voudrais pas que vous les jugiez ridicules et usés…
Je tarde aussi à décliner mes « bons points » car je me soucie et de vous, et de moi : de votre modestie,- sans cesse en danger dans les sphères qui sont les vôtres,- et de moi qui, ce faisant, risque de ressembler, si je n’y prends garde, à l’obscurité quêtant quelques rayons de la célébrité… Je ne parlerai pas ici de votre carrière d’acteur, quoique vous le demeuriez si bien en tant que lecteur : vous voyez que je ménage votre humilité, et je vous avoue que je sais me taire quand je suis ignorante.
J’ai fait connaissance avec votre émission presque par hasard, alors que j’étais à la recherche de quelque nouvelle émission à télécharger. Et voilà que je découvre cette petite pépite : quelque chose de court, d’intelligemment synthétique, de varié aussi, d’habilement construit, qui n’est pas du tout professoral mais pourtant pédagogique (j’espère que le mot ne vous choque pas), et si bien accompagné musicalement. Grâce à vous je peux « lire » en faisant autre chose, ce qui ne m’était jamais arrivé ! J’aime surtout « relire » et me laisser porter par les inflexions de cette voix à laquelle vous devez tant. Ce qui est drôle, c’est que cette voix, justement, me suit partout et me distrait de mes occupations domestiques qui s’accomplissent presque sans moi. Elle hante tous les recoins de la maison. Savez-vous qu’elle ne réveille même pas le chat ? Ce qui, de mon point de vue, est une qualité supplémentaire. Mais vous avez des rivaux. Eh, oui, en matière d’émissions littéraires je navigue de Feuilleton en Compagnie des œuvres, et autres Masques, sans parler de quelques Répliques... Et, miracle de la radio, il m’arrive de vous y retrouver encore, lecteur infatigable !
Vous enregistriez aujourd’hui votre émission, en public : quel dommage que je n’aie pu m’y rendre, d’autant que vous y lisiez Proust. Mais je suis trop habituée à goûter le plaisir de mon émotion littéraire dans le silence de mes lieux familiers, à ma fantaisie, loin de la foule et des regards.
Merci !