Bonjour, Je souhaite réagir l’émission rediffusée le, mercredi 18 juillet 2018 à 17 heures. Il s’agit de l’émission LSD, LA SÉRIE DOCUMENTAIRE par Perrine Kervran : « A l'ombre des centrales nucléaires (3/4) - De Tchernobyl à Fukushima : Les leçons pour la France ». En effet, cette émission ne conduit pas à une réflexion sur les attendus, les espoirs, les chois politiques, … en d’autres termes, une analyses des différents facteurs qui nous ont conduit à la situation d’aujourd’hui. D’un coté, le catastrophisme avec des chiffres contestables et non sourcés : « 160 000 morts après Tchernobyl ». Faut-il rappeler que ceux de Tchernobyl comme nous finirons par mourir. Sur ce seul exemple, ce qui doit être mesuré, c’est la réelle diminution d’espérance de vie des intervenants sur ce site. Autre caractéristique de cette émission, le présentation caricaturale, enfantine, de ceux qui dans les années 1950 croyaient aux potentialités du nucléaire.
En conclusion, une émission manichéenne qui conforte chaque camp dans sa vérité et qui donc ne fait nullement progresser la réflexion des auditeurs, ce que j’attends de France Culture.
Autre explication, tel une religion révélée, il y a une seule vérité concernant ce fait de société et France Culture nous explique ce que nous devons penser. Tout comme Margaret Thatcher disait : « Il y a un seul choix économique, c’est le mien ». Cordialement.

La Médiatrice Radio France vous répond
19/07/2018 - 16:17

Tout d’abord merci de nous écrire, de nous écouter et de nous faire partager votre sentiment.  Quels qu’ils soient,  les retours de la part des auditeurs nous sont très précieux.

En ce qui concerne cette série, j’entends votre critique, mais je me porte garante du sérieux de la productrice et de la qualité des intervenants. Par ailleurs, le documentaire n’est pas un reportage, il est un point de vue et il propose le regard d’un auteur sur son sujet.

Néanmoins je réfute le terme de regard manichéen qui ne correspond en rien au travail extrêmement solide et patient de Lydia.

Ci joint la réponse de la productrice de la série Lydie Ben Ytzhak.

Cordialement.

Perrine Kervran pour LSD.

 

Bonjour.

Il m’a semblé particulièrement intéressant en travaillant sur cette série, précisément, de sortir de la caricature. Il ne s’agit plus d’être « pour » ou « contre » le nucléaire. Et c’est tout à l’honneur du service public de proposer une pluralité d’informations et de ne pas rester monolithique.

Comme le précisent certains intervenants et y compris le philosophe Jean-Jacques Delfour, ils avaient une certaine confiance dans le sérieux des ingénieurs, surtout pour des sujets aussi compliqués et sérieux que le nucléaire, et ils regardaient un peu les militants « anti » comme des idéalistes un peu braillards. Mais c’était avant Fukushima. C’était avant qu’un pays industrialisé n’ait pas anticipé des risques aussi importants sur une zone sismique visiblement pour des questions de rentabilité . Des personnes qui n’avaient rien « contre » a priori ont commencé à se poser des questions. On peut donc changer de « camp ». Ces documentaires évoquent autant la parole des experts – CNRS, CEA, INSERM – que de simples riverains ou travailleurs.

Il évoque les mensonges passés, les 20 ans qu’il aura fallu aux autorités de sûreté pour reconnaître la validité de la cartographie des irradiations sur la France suite à Tchernobyl établie par la CRIIRAD. Combien de cancers de la thyroïde en France ont été causés par ces retombées? On ne le saura jamais puisqu’il n’y a aucune étude. Il retrace la genèse militaire de ce nucléaire civil, les mensonges faits aux habitants des îles du Pacifique, du désert saharien, aux militaires eux-mêmes qui effectuaient les essais pour la France sans protection. Et aussi les tonnes de déchets dont on ne sait que faire pour l’éternité. Et dont l’enfouissement est plus que questionné en ce moment.

Pour préparer ces documentaires, j’ai bien entendu voulu retracer le panorama du nucléaire français : visiter la plus vieille des centrales à Fessenheim et « la centrale du futur » en construction à Flamanville. J’ai voulu suivre la trajectoire des déchets d’Areva où ils refroidissent temporairement pendant des années, puis à Bure, leur destination finale où l’on veut les enfouir à 500 mètres sous terre pour toujours. A Fessenheim, je n’ai pas eu l’autorisation d’entrer pour des raisons politiques m’a expliqué EDF : nous étions en période électorale et le sujet était sensible, alors que mes questions étaient surtout d’ordre technique.

Dans le documentaire, on entend parler les ingénieurs, comme Bertrand Michoud, le chef de chantier de Flamanville. Cette centrale dont on ne compte plus les années de retard et les explosions de budget a fixé une cuve de réacteur défaillante. Lorsque je lui pose la question  » Mais si au lieu de construire un réacteur si grand on en faisait par exemple quatre petits en série, une fusion d’un coeur de réacteur ne serait-elle pas beaucoup plus facile à contenir? » Il me répond que oui, c’est tout à fait possible, c’est moins dangereux mais c’est moins rentable. Tout est dit.

S’expriment également les directeurs de la communication d’Areva et des représentants de Cigéo à Bure dans ce documentaire. D’ailleurs je dois reconnaître la grande honnêteté intellectuelle de Michèle Tallec et de Mathieu Saint-Louis de l’Andra à Bure,  parce que malgré ce sujet sensible, ils nous faisaient part de leurs questionnements permanents et admettaient même que les contestataires les avaient obligés à s’améliorer et à remettre en question certains points de leur projet initial pour l’affiner.

D’ailleurs j’ai volontairement écarté les militants trop véhéments qui n’auraient eu aucun argument réel : je n’ai pas rencontré ceux de Bure car la réflexion de fond, quasiment anthropologique, dépassait largement les dissensions locales.

Il ne s’agit pas d’être « pour » ou « contre » mais d’informer, comme avec cette archive INA de 1956 où l’on apprend qu’une maison de six étages peut déjà techniquement être autonome en énergie rien qu’avec du solaire… On se prend à rêver d’un pays qui aurait tout misé sur le soleil à cette époque pour optimiser les techniques et développer des économies d’échelles…

Au moment du montage, c’est-à-dire alors que nos interviews étaient achevées, WestingHouse, le géant américain du nucléaire faisait faillite, confirmant ce que nous disaient plusieurs spécialistes avant d’en être confortés : le nucléaire n’est plus rentable. L’avenir est dans les renouvelables, et nombre de pays dans le monde ont tout misé dessus.

Alors oui, c’est bien le rôle du service public de mettre en avant dans des documentaires qui prennent du recul ce qui parfois reste la face cachée de l’information d’actualité, pour mille et une raisons : la place, l’urgence, la hiérarchie de l’information. Le document le plus éloquent sur le sujet a été publié par un ingénieur EDF sous pseudonyme qui montre point par point les dysfonctionnements internes des systèmes techniques.

Alors sachez que ces documentaires, sont le fruit d’un long travail de ma part. Qu’ils s’ajoutent à ma longue expérience en tant que journaliste scientifique et à ma passion de la science et ses prouesses. Cette expérience pourtant ne m’empêche pas de m’inquiéter quand je constate les dérives d’une techno-sciences au service du profit et possiblement aux dépends de la vie humaine et de l’environnement. Au contraire.

 

Cordialement.

Lydia Ben Ytzhak