Bonjour,

J'ai
été particulièrement choqué ce dimanche matin au journal de 08:00
d'entrendre, à propos du regain de tensions au Haut-Karabagh, qu'il
s'agissait d' "un territoire de l'Azerbaïdjan convoité par
les Arméniens"
.

Ce
territoire rattaché à l'Azerbaïdjan par les soviétiques a depuis
l'Antiquité été peuplé d'Arméniens. Intégré à l'empire russe,
il est soviétisé et rattaché à l'Azerbaïdjan par le bureau
caucasien du parti communiste soviétique (Staline). Il décide
d'inclure le Karabagh, peuplé à 90% d'Arméniens dans le territoire
administratif de l'Azerbaïdjan, mais avec «une large autonomie
régionale». De 1923 à 1988, les Arméniens du Haut-Karabakh
n’allaient cesser de réclamer leur rattachement à la République
Soviétique d’Arménie, car Bakou multipliait les discriminations
culturelles et ethniques envers les Arméniens. La revendication
s’amplifia en 1985 avec l’avènement de l’ère Gorbatchev et la
perestroïka: la demande de rattachement du Karabagh à l'Arménie
s'intensifia. A la fin de l'année 1987 des dizaines de milliers de
citoyens du Haut-Karabakh signèrent une pétition exigeant la
réunification du Haut-Karabakh à l'Arménie. En réponse, des
pogroms de masse et assassinats d'Arméniens furent perpétrés en
février 1988 à Soumgaït, près de Bakou, trois jours durant. Alors
que le mouvement du Karabakh s’intensifiait et se structurait, de
nouveaux pogroms anti-arméniens eurent lieu à Kirovabad et Bakou en
janvier 1990, un blocus instauré. Les Russes laissant faire malgré
le déploiement de l'armée rouge en Arménie et en Azerbaidjan afin
de stabiliser l'ancrage de ces Républiques dans l'URSS...

L'Azerbaïdjan
déclencha la guerre, alors qu'à l'été 1991 les proclamations
d'indépendance de l'Azerbaïdjan, du Haut-Karabagh puis de l'Arménie
se succédèrent. La Turquie, caressant toujours son rêve panturc
(rattacher toutes les terres turcophones sous son autorité, en
éliminant tous les non-turcs, principe actif du génocide des
Arméniens, des Assyro-chaldéens et des Grecs pontiques en
1915-1918...), instaura également un blocus envers l'Arménie qui
perdure, 25 ans après le déclenchement du conflit. La guerre dura 4
ans, "contre toute attente" compte tenu de la disproportion
des forces , les Arméniens du Karabagh, aidés par l'Arménie,
l'emportèrent. Un cessez-le-feu signé en mai 1994 à Bichkek mit
fin à la phase armée de ce conflit qui fit 30000 morts et des
dizaines de milliers de réfugiés. Le processus de paix piloté par
l'OSCE est enlisé depuis, car le conflit oppose deux principes
inconciliables mais également prévalents du Droit internatioinal:
le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, et le principe
d'intangeabilité des frontières internationales...

Parler
d'un territoire "convoité" par les Arméniens est non
seulement inexact, c'est désinformer. Au sujet de la guerre du
Karabagh, Andreï Sakharov (prix Nobel de la Paix et grand défenseur
de la Liberté et des droits de l'Homme en URSS) disait: "pour
l'Azerbaïdjan, le Karabagh est une question de fierté, pour les
Arméniens qui y vivent, c'est une question de survie"... où
est la convoitise dans cette affaire ?

Daniel
Meguerditchian, Villeurbanne

La Médiatrice Radio France vous répond
03/04/2016 - 7:59

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