Bonsoir,
je passe par votre page de médiateur car je ne trouve pas le lien sur la page de La Dispute pour m'adresser à A. Laporte et ses collègues.
Je souhaite apporter des éléments de réponses au reproche formulé ce soir au film de F. Ruffin "Merci Patron" pour ne pas présenter d'action collective alors que Ruffin revendique le collectif... Il s'en expliqué ds une interview, dénonçant l'explosion du collectif lors des licenciements et argumentant sur pourquoi une action plus large n'a pas pu être entreprise :
https://www.humanite.fr/videos/francois-ruffin-je-memmerde-beaucoup-moins-dans-la-vie-que-bernard-arnault-600318
Merci à vous de transmettre.
Bien cordialement.

La Médiatrice Radio France vous répond
04/05/2016 - 11:46

Vous pouvez joindre l’émission en cliquant sur l’enveloppe sous le nom de l’émission sur le site. En attendant, voici la réponse de Charlotte Garson :

« Bonjour,
Merci pour l’envoi de votre message concernant notre brève discussion à La Dispute autour de Merci Patron! ainsi que pour le lien vidéo du débat. La question y est en effet posée (du passage du particulier au collectif) et Ruffin y répond longuement. Il finit d’ailleurs par préciser que le cinéma n’a été pour lui qu’un moyen d’intervention et que son activisme prend d’autres formes. Mais auparavant, il justifie l’impossibilité d’agir collectivement en raison du temps écoulé depuis les licenciements et de la nécessité d’une histoire pour émouvoir. Mon « reproche », beaucoup trop brièvement et schématiquement formulé je vous l’accorde, porte sur une question qui est l’un des enjeux de forme du documentaire (et sans doute de tout le cinéma donc également de la « fable » et de la « comédie » dont Ruffin se revendique), à savoir la capacité par la forme (la mise en scène) d’atteindre justement au général ou à l’universel (même si le couple Klug est le seul à recevoir de l’argent). En d’autres termes, je pense qu’il n’est pas juste de dire que l’histoire singulière est la seule solution pour « donner un visage » (Ruffin) à la pauvreté. (Cf par exemple toute l’œuvre ou presque de Frédérick Wiseman). L’extorsion, noeud scénaristique du film, réussit à prouver que même un très puissant patron craint pour son image (ce qui n’est pas une découverte), mais guère davantage à mon sens, peut-être parce que ce scénario « marche » si bien et produit une telle jubilation chez Ruffin (scénariste, réalisateur et acteur) qu’il se suffit à lui-même, se clôt sur sa perfection (af)fabulatoire. C’est peut-être là où la fine membrane entre reel et fiction qui constitue le documentaire devient moins poreuse, trop satisfaite de sa puissance fictionnelle (l’univers des barbouzes, la transformation physique de Ruffin) pour traduire par la forme ce qu’il y a de plus général et de plus désespérant dans l’aspect massif de la crise. Ce n’est là qu’une proposition car je n’ai pas (encore?) écrit sur le film, suffisamment riche en effet pour susciter des débats argumentés, y compris dans ses choix de mise en scène. Je vous remercie en tout cas de nous avoir contactés et d’avoir contribué à ce qui sera peut-être un retour plus étoffé dans La Dispute un autre jour, la « carrière » de ce film étant loin d’être achevée.
Charlotte Garson »