Bonjour, je suis enseignant-chercheur, spécialiste de l'analyse des discours écologistes. Je vous écris à tout hasard pour réagir à chaud à un billet de Stéphane Robert, entendu hier, mercredi 5 juin à 18h07, sur France Culture, dans le cadre du journal de 18h. Celui-ci est représentatif d'une manière de traiter l'écologie politique dans les médias et dans l'espace public en général qui me semble à la fois fautive et dangereuse. En effet, ce billet présente l'écologie politique comme la simple "protection de l'environnement" et postule donc que tout le monde peut faire de l'écologie, que tous les partis l'intègre à leur programme, et que les écologistes "n'ont pas grand chose à vendre à un électorat" car "la cause environnementale ne constitue pas un projet politique". Or ce qui est ici désigné par le terme "écologie" constitue ce que les chercheurs qui travaillent sur le sujet appellent "environnementalisme" (ou "écologie vert clair" ou "écologie superficielle") et n'est absolument pas considéré comme de l'écologie politique (puisque, justement, cela ne constitue pas un projet politique !). Au contraire, l'écologie politique (ou "écologie vert foncé") est une longue tradition de philosophie politique qui propose des programmes complets. Elle a certes ses courants et ses divergences (et n'est pas forcément très bien représentée par EELV !) mais elle ne peut être confondue avec le simple environnementalisme comme le fait Stéphane Robert dans son billet. Vous, journalistes, auraient tout à gagner à tenir compte de cette importante distinction entre "simple" environnementalisme et "véritable" écologie politique. D'une part cela permettrait d'éviter d'amalgamer deux réalités très différentes et offrirait à votre public des clefs de compréhension de l'actualité plus exactes. Et d'autre part cela éviterait de participer à une confusion qui, justement, dessert la cause environnementale en laissant croire que l'écologie peut être intégrée à tous les projets politiques alors que bientôt 100 ans de philosophie politique écologiste nous enseigne que la crise écologique (sous ses multiples aspects environnementaux, sociaux, politiques) ne se règlera que par un projet de société global qui implique à des degrés divers sobriété énergétique, territorialisation des activités économiques et sociales, solidarité et démocratie locale, réorientation de la conception technologique, etc.

En espérant que ce message sera entendu car je le crois sincèrement crucial.

Bien à vous