Bonjour le Masque ! Tout à fait d’accord avec Jean-Claude Raspiengeas au sujet d’Autant en emporte le vent. Le racisme et le traitement des noirs et des esclaves n’est pas le fait de Margaret Mitchell mais de la représentation d’une époque. J’ai lu le livre jeune adulte il y a longtemps et je trouve que l’on voit de l’intérieur comment toute cette société était construite et pour la conservation de laquelle ceux qui y règnent sont en guerre. Dit-on d’un ouvrage représentant des serfs au Moyen-Âge qu’il est pro-esclavagiste ? Le personnage de Scarlett est insupportable mais si vrai dans ses atermoiements amoureux et ses coups de tête, dans ses actions et son courage et aussi dans son non-désir de maternité ! Non, elle n’est pas aimable comme une amie et la fin n’est pas heureuse mais c’est un grand roman que je conseille à tous !

Au sujet d' »Autant en emporte le vent », je reprocherais à vos critiques (sauf Patricia Martin), une indignation conjoncturelle contre ce roman ancré dans une époque pendant laquelle a basculé l’économie du sud des USA, liée à l’esclavage. Ne la regardons pas à l’aune des problèmes raciaux actuels. L’exploitation des uns au profit d’une petite minorité a encore de beaux jours devant elle, même après l’abolition de l’esclavage. Ne débinons pas Scarlett, personnage merveilleux, poignant par son désir de lutter contre le vent de l’histoire qui a déclassé sa famille. C’est ce désir qui porte Scarlett et en fait un personnage hors du temps. Il faut inciter tous ceux qui ne l’ont pas encore lu à se plonger dans ce roman inégalé.

Si on interdit « Autant en Emporte le Vent », autant interdire tous les westerns, où les Indiens d’Amérique sont bien mal traités. J’étudie en classe avec mes lycéens l’évolution de notre regard sur les Indiens à travers les westerns : c’est passionnant et les élèves y sont très sensibles, il serait dommage de les interdire. On n’efface pas les moments d’ombre de l’histoire… On a un devoir de mémoire.

J’ai adoré le roman « Autant en emporte le vent » que j’ai lu adolescent il y a donc plus de 60 ans. Je vais vous étonner mais je ne le trouve pas méprisant envers les « noirs » comme on a l’habitude de le dire. Certes il cache les aspects les plus sordides de l’esclavage mais les sudistes et les nordistes ne sont pas gâtés. Exemples : le régisseur à Tara est renvoyé car il a une fois de plus engrossé une « noire », ceux qui tentent de violer Scarlett sont des blancs, les scalawags et les carpetbaggers en prennent pour leur grade, les commères d’Atlanta sont souvent ridicules et Scarlett et Rhett Butler sont des personnages cyniques : l’une est prête à tout pour survivre et sauver son domaine et l’autre croit que tout s’achète. Quant à Ashley il est assez mièvre par moments. Côté positif on a Mammy, « noire » qui veille sur l’héroïne comme sur sa fille et Porky, noir, qui est là dans les coups durs pour voler à son secours. Il y a bien sûr Prissy qui est un parangon d’ignorance et de sottise mais elle n’a pas un rôle essentiel. Je ne veux pas être trop long car vous avez deviné que je connais le livre dans lequel les passages consacrés à la guerre de Sécession sont inoubliables tout comme l’évocation des réceptions dans les riches plantations, la vie dans Atlanta en reconstruction, la famine dans les fermes sudistes après le passage des troupes de Shéridan, etc. Cher « Masque et la plume » merci pour les bons moments que vous me faites passer depuis très longtemps et j’espère que votre émission me survivra.

Je souhaiterais apporter quelques précisions au sujet du terme « dialecte », utilisé par Margaret Mitchell dans “Autant en emporte le vent” pour qualifier le parler des esclaves noirs, terme qu’une de vos journalistes semble avoir trouvé -tout à fait à tort- méprisant. En effet, contrairement à la connotation péjorative que ce terme a en français, en anglais « dialect » est un terme neutre utilisé en linguistique et qui signifie seulement « variété de langue ». Par exemple, le français parlé à Paris, à Montréal, à Abidjan, à Marseille, à Genève, etc. sont des « dialectes » du français, c’est-à-dire des variétés d’une même langue: le français. Tout comme le « Black English » dont parle Margaret Mitchell est un dialecte de l’anglais au même titre que l’anglais parlé à New York ou à Bombay. Certes, le dialecte du « Black English », à l’époque de Margaret Mitchell, et à fortiori à celle de la guerre de Sécession, était fortement stigmatisé, ce qui n’est pas le cas depuis quelques décennies où ce dialecte est, au contraire, revendiqué par les Afro-Américains comme un symbole identitaire très fort. Un immense merci pour avoir été là en ces temps incertains, ce point fixe si rassurant qui nous faisait croire que tout allait bien.

Déboulonner les statues, interdire le film « Autant en emporte le vent », ou autre ne servent à rien car à l’origine de l’esclavage et de tout ce qui en découle, est à remettre en face des différents roi et chefs africains au début de ça. Ce sont ces chefs des pays d’Afrique qui ont vendu leur peuple sans se poser de question à savoir si l’éthique y était ou pas. Seulement l’appât du gain et surtout pas de remise en question de leur geste. Tous les manifestants devraient se retourner vers les pays d’origine, les seuls fautifs.

Honte à la traduction révisionniste et bien-pensante de Josette Chicheportiche ! N’importe quel document sonore d’époque révèle que les noirs n’avaient pas le même accent que les blancs, ce qui est logiquement retranscrit en littérature !

Je suis chercheuse au CNRS, anthropologue, spécialiste de l’esclavage. Je suis simplement scandalisée par les propos que je viens d’entendre sur « Autant en emporte le vent ». Jamais le profond drame humain qui installe la barbarie au cœur de notre modernité occidentale aujourd’hui globalisée, ne sera reconnu si même les contributeurs de France Inter distillent de tels arguments à peine informés sur les horreurs de la traite et de l’esclavage européens. Comment comprendre l’affaire George Floyd avec de tels commentaires (…). Merci cependant pour l’information utile sur Le Clézio qui rajoute à cette désespérance quant à la juste reconnaissance de l’histoire du monde transatlantique (ce que les spécialistes appellent le Black Atlantic à la suite de Paul Gilroy).