Voici les principales thématiques abordées par les auditeurs dans leurs courriels du 12 au 19 juin 2020. 

1- L’affaire Traoré
2- Le traitement éditorial de la police 
3- Racisme, anti-racisme, « racialisé », interview sur l’usage du terme « Racialisé »
4- Kemi Séba
5- « Autant en emporte le vent »
6- Commémoration de l’appel du 18 juin 1940
7- Pêle-Mêle de remarques des auditeurs
8- L’école
9- Remède à la mélancolie
10- Merci aux équipes de Radio France
11- Coup de coeur des auditeurs : la chronique de Frédérick Sigrist
12- Langue Française et le sens des mots « Province » et « Région » avec le linguiste Bernard Cerquiglini

Autant en emporte l’Histoire

Prenez ces mots : racisme, identité, communautarisme, minorité, ethnie, colonialisme, racialisé, diversité. Associez-les et vous obtiendrez la densité politico-sémantique des messages reçus cette semaine.
Les thématiques ont radicalement basculé dans un registre très éloigné du Covid-19.
Au menu des courriels des auditeurs : « les polémiques mémorielles », « les manifestations anti-racistes », « la famille Traoré » « Autant en emporte le vent », « Kemi Seba », et « le Général de Gaulle ».

​​​​​​​ Polémiques mémorielles

« Franchement dans quel monde vit-on dans votre rédaction ? Ici dans la province profonde (100km de Paris), on n’a que faire des démangeaisons raciales d’une minorité (…). Le pays va être confronté à des difficultés économiques, des problèmes sociaux dus à la crise sanitaire, des hôpitaux, des entreprises, un système éducatif à la dérive etc etc…Et on nous bassine avec des histoires de statues à déboulonner et de rues à débaptiser !!!! Les bras nous en tombent » écrit un auditeur. Etonnant d’accorder si peu intérêt aux signaux actuels de notre société. Quant aux « difficultés économiques, problèmes sociaux dus à la crise sanitaire, hôpitaux, entreprises, système éducatif à la dérive », ces sujets ne sont pas négligés sur les antennes.
On ne « bassine » pas les auditeurs « avec des histoires de statues à déboulonner et de rues à débaptiser », les journalistes informent car ces faits méritent d’être traités et portés à la connaissance du grand public.

Un buste du général de Gaulle a été vandalisé dans la commune d’Hautmont (Nord), la tête recouverte de peinture fluo orange et le piédestal tagué au dos d’un « esclavagiste » également inscrit en orange. Le maire de la commune a dénoncé un « comportement inadmissible » et un « amalgame » dans le cadre du « débat médiatique » autour du racisme et des statues dégradées. La dégradation du buste de Charles de Gaulle (1890-1970) est survenue à quelques jours des 80 ans de son appel du 18 juin 1940, et l’année du cinquantième anniversaire de sa mort.
En parler est légitime et s’inscrit dans la continuité de l’actualité brûlante des Etats-Unis puisque depuis le décès de George Floyd, un Américain noir mort aux Etats-Unis le 25 mai sous le genou d’un policier blanc lors de son interpellation, des protestations antiracistes ont donné lieu dans le monde au déboulonnage ou à la dégradation de plusieurs statues de personnalités controversées, comme le navigateur du XVe siècle Christophe Colomb.

En France, dans le sillage de ces manifestations, les monuments et statues liés à l’histoire coloniale française ou à la traite négrière se retrouvent à nouveau au centre d’une polémique mémorielle.
Jean-Marc Ayrault, actuel président de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage, a ainsi demandé de rebaptiser une salle Colbert à l’Assemblée nationale et un bâtiment de Bercy portant le nom du ministre à l’initiative en 1685 du Code noir.
Réaction d’un auditeur, professeur d’histoire : « Pourquoi supprimer de l’espace public le nom de Colbert, alors que (j’adopte un point de vue radical, mais c’est ce que font ceux qui veulent éradiquer Colbert) c’est Louis XIV qui est le grand « esclavagiste et raciste » de la France des années 1680 ? Il me semble donc, pour être logique, si on adopte le point de vue « antiraciste » de Jean-Marc Ayrault (et du CRAN) qu’il ne faut pas seulement supprimer le nom de Colbert, il faut aussi supprimer le nom de Louis XIV de toutes les rues, places et lycées où il apparaît (y compris bien sûr « Louis-le-Grand ») et déboulonner toutes les statues où il expose sa vaine gloire. Il faudra aussi détruire le château de Versailles, élevé grâce à la sueur des esclaves de Saint-Domingue ! C’est évidemment absurde, mais il est tout aussi absurde de s’en prendre à « Colbert », sans même savoir quel a été le rôle du père et celui du fils. Je souhaite que les journalistes de Radio France réfléchissent un peu à tout cela (et fassent les vérifications nécessaires) afin de savoir quelles questions poser à des gens qui se présenteraient pour « déboulonner les statues de Colbert » comme s’il s’agissait de statues de généraux confédérés, objets de la vénération des suprémacistes américains. »

Après l’espace public, les écrans de cinéma

« Si on interdit « Autant en emporte le Vent » autant interdire tous les westerns, où les Indiens d’Amérique sont bien mal traités. J’étudie en classe avec mes lycéens l’évolution de notre regard sur les Indiens à travers les westerns : c’est passionnant et les élèves y sont très sensibles, il serait dommage de les interdire » s’inquiète un auditeur.

Le mouvement « Black Lives Matter », relancé après la mort de George Floyd aux Etats-Unis, atteint également l’univers du cinéma. Le Grand Rex, la célèbre salle parisienne, a annoncé l’annulation d’une projection d’ »Autant en emporte le vent », à la demande du studio américain Warner, en raison d’une polémique sur le film.
HBO Max a en effet décidé de retirer temporairement de son catalogue ce grand classique hollywoodien multi-oscarisé de Victor Fleming avec Clark Gable et Vivien Leigh, au motif qu’il « dépeint des préjugés racistes qui étaient communs dans la société américaine ». La plateforme prévoit de remettre en ligne le film avec des éléments de contexte.
« Autant en emporte le vent », qui raconte l’histoire de Scarlett O’Hara et Rhett Butler sur fond de guerre de Sécession, est considéré comme l’un des plus gros succès populaires de l’histoire du cinéma, film pour lequel Hattie McDaniel a été la première interprète afro-américaine à recevoir un oscar, celui de la meilleure actrice dans un second rôle.
Outre le film, le roman est également au cœur de l’actualité. Ce livre, vendu à plus de 30 millions d’exemplaires depuis sa sortie, reparaît simultanément chez Gallimard, en Folio, dans la traduction originelle de Pierre-François Caillé, de 1939, et chez Gallmeister, dans une nouvelle traduction.
Les critiques du Masque et la Plume ont plongé dans ce roman-fleuve et les fidèles de l’émission ont écrit :
« Tout à fait d’accord avec Jean-Claude Raspiengeas au sujet d’ »Autant en emporte le vent ». Le racisme et le traitement des noirs et des esclaves n’est pas le fait de M.Mitchell mais de la représentation d’une époque. »
« Je reprocherais à vos critiques (sauf Patricia Martin), une indignation conjoncturelle contre ce roman ancré dans une époque pendant laquelle a basculé l’économie du sud des USA, liée à l’esclavage. Ne la regardons pas à l’aune des problèmes raciaux actuels ».
« Autant en emporte le vent » : récit raciste problématique ou saga au souffle romanesque ? Le Masque et la Plume est à réécouter ici avec un dossier spécial.

« Traoriste et antitraoriste »?

Nous en parlions dans cet édito le vendredi 5 juin, le comité Adama Traoré – jeune homme noir mort en juillet 2016 après son interpellation par des gendarmes en région parisienne, décès que ses proches comparent au meurtre de l’Américain George Floyd – a mobilisé 20.000 personnes devant le tribunal judiciaire de Paris, le 2 juin dernier, et s’est imposé comme le fer de lance de la lutte contre les violences policières.
Son discours s’est élargi, de la dénonciation de violences policières à celle d’un « racisme systémique », trouvant un écho puissant après la mort de George Floyd, qui a suscité une vague planétaire d’indignation.

Samedi dernier, le 13 juin, des milliers de personnes se sont de nouveau rassemblées – 15.000 d’après les chiffres de la préfecture de police de Paris – sur la place de la République à l’appel du comité Adama Traoré. Au tout début du rassemblement, Assa Traoré, la sœur d’Adama Traoré, a pris la parole invitant la foule à « dénoncer le déni de justice », « la violence sociale, raciale, policière », réclamant à nouveau la mise en examen des gendarmes impliqués dans l’interpellation de son frère.
Pour tous les auditeurs qui nous écrivent à ce sujet : « le traitement de l’affaire Traoré est unidirectionnel » sur les antennes de Radio France :
« On n’entend sur vos antennes uniquement les réactions de sa sœur Assa ! Pour que vos auditeurs puissent se faire une idée objective de ce traitement, ne faudrait-il pas en premier lieu que les journalistes évoquent aussi et de façon équilibrée l’ensemble de l’avis des différents protagonistes.
Ce traitement partial doit visiblement convenir à une grande partie de vos auditeurs. Mais ne faut-il pas s’interroger sur cette course effrénée au populisme ? »
« J’ai été choqué par le contenu, dans la mesure où votre journaliste a totalement « aligné » son commentaire sur les thèses de la famille Traoré, sans aucun bémol journalistique »
« L’entrée en matière des infos de ce matin ne laisse planer aucun doute sur votre conviction que la famille Traoré est la représentante légitime à vos yeux de ceux qui luttent contre les violences policières, elles-mêmes avérées. Disons que cette présentation manque pour le moins de nuance et de recul. Le fait que cette famille se soit illustrée par plusieurs de ses membres, par la participation à des trafics et des refus d’obtempérer n’appelle aucune nuance de votre part. »
Un auditeur risque même ce parallèle : « Comme à la fin du 19e aujourd’hui la France est divisée non plus en dreyfusard et antidreyfusard mais en traoriste et antitraoriste ».

Nous reviendrons sur ce traitement éditorial avec Delphine Gotchaux, chef du service police-justice de Franceinfo demain samedi 20 juin, à 11H50, dans le rendez-vous de la médiatrice.

Quant à France Culture, des auditeurs n’ont pas compris la rediffusion de l’émission « Assa Traoré : une femme puissante » datant de 2017 : « Je suis auditrice de France Culture depuis 20 ans et j’aime particulièrement l’émission « Les pieds sur Terre ». Je viens d’écouter l’émission « Assa Traoré » et je suis stupéfaite d’entendre tout cela. Votre émission, généralement neutre, laisse parler une femme qui dissimule la vérité, au profit de son frère malheureusement mort. Vous rediffusez cette émission tout en surfant sur l’actualité déjà bien brûlante, dans un climat social tout aussi brûlant. »
« Il y a un homme qui est mort, c’est terrible et je comprends la douleur d’une famille », a indiqué, à propos de l’affaire Adama Traoré, Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat, invité mardi sur France Inter, mais « instrumentaliser cette douleur pour essayer de durcir les rapports sociaux, pour que l’on puisse en France, racialiser les rapports sociaux, c’est l’inverse du modèle républicain. Ça n’a rien à voir avec le combat antiraciste traditionnel”.

« Racialisé »

Dans la bouche des personnalités politiques ou des journalistes, l’emploi, de plus en plus fréquent, du terme « racialisé » choque des auditeurs et des internautes, nous l’avions déjà évoqué dans la Lettre du vendredi 29 mai.
Cette semaine, un auditeur nous écrit : « Je suis très choqué par le traitement du thème du racisme. L’usage du terme « racialisé », très marqué idéologiquement me choque beaucoup. Je suis moi-même considéré par vos journalistes comme « racialisé » (d’origine maghrébine) mais je ne me définis pas comme ça, et je trouve ce terme néo-colonialiste et victimaire.
Sur les invités eux-mêmes, beaucoup viennent défendre et justifier ces termes, ces approches, voir justifier les déboulonnages des statues en radio ou dans des articles sur votre site. Cette séquence arrive à la suite d’une antenne ouverte pour les défenseurs des ateliers non-mixtes (en prenant comme référence les ateliers féministes non-mixtes). J’ai vraiment honte pour le service public, et je trouve que votre approche alimente le racisme. Ne croyez pas vous préserver de vos lacunes en termes de diversité. Vos présentatrices et présentateurs sont en grande majorité « blancs », bien loin des leçons données. »
D’où vient le terme « racialisé » ? Quelle utilisation en est faite ? L’utilisation de ce terme est parfois critiquée, sur quoi se fondent ces critiques ? L’emploi par les journalistes est-il le signe d’une prise position politique ? Iannis Roder, agrégé d’histoire, répond à toutes ces questions. Son interview est à lire ici.

Kemi Seba activiste controversé, panafricaniste

C’est dans ce contexte que l’on a entendu sur les antennes, mardi matin, un reportage réalisé à Abidjan en Côte d’Ivoire, ancienne colonie française où les noms des rues posent problème. La journaliste rappelle qu’« à Abidjan, des dizaines de rues portent le nom de colons ou néo-colons, comme les appelle Kemi Seba. Fin mai, cet activiste panafricain franco-béninois a lancé un appel aux Africains depuis Cotonou. Il leur demande de décoloniser l’espace public et promet même une bourse de 10 000 euros à celui qui débaptisera le plus de rues d’ici le 5 août. ».

Réactions immédiates d’auditeurs des différentes antennes : « Kemi Seba simplement présenté comme un militant panafricain. A l’occasion de son intervention il a mentionné la « République Maçonnique Française ». La présentation trompeuse de M. Kemi Seba omet de rappeler ses prises de position extrêmes et racistes, son rôle de dirigeant ou de porte-parole d’associations haineuses et violentes par ailleurs dissoutes pour incitations à la haine raciale. ». Kemi Seba est en effet un activiste controversé, essayiste franco-béninois panafricaniste et anticolonialiste.

Ce que Kemi Seba « exprime au sujet de la France représente un vrai courant de pensée dans cette partie de l’Afrique », rappelle Jean-Marc Four, directeur de l’information internationale de Radio France, dans sa réponse aux auditeurs. Il ajoute qu’effectivement: « Kemi Seba est plus qu’un simple activiste, et ses prises de position antisémites et extrémistes auraient dû être rappelées. Il y a de fait eu un souci de vérification et de relecture du sujet avant diffusion sur ce point et c’est tout à fait regrettable. » La mise au point est à lire ici. Pour rendre compte de la portée du phénomène, la correspondante décrit au début de son reportage une vidéo tournée de nuit dans les rues d’Abidjan où l’on voit de jeunes hommes taguer des panneaux dans les rues de la ville.
« Le Boulevard Valery Giscard d’Estaing, l’un des plus grandes artères la ville, est rebaptisée Thomas Sankara, ancien président panafricain du Burkina-Faso assassiné », « le pont De Gaulle devient le pont Biaka Boda , un sénateur militant de la Libération de la Côte- d’Ivoire qui a été assassiné ».

Le Général de Gaulle au cœur d’une toute autre actualité, ce jeudi, en France et en Angleterre.

À chaque époque ses personnages

À l’occasion du 80ème anniversaire de l’appel du 18 juin, France Inter a consacré jeudi son antenne au Général de Gaulle, à ce qu’il fut et ce qu’il représente aujourd’hui encore aux yeux du public et d’une majorité de la classe politique qui se revendique gaulliste.
Tout au long de la journée, l’homme, le militaire et le politique qui a marqué le XXe siècle a été évoqué à travers des archives, des reportages en France, à l’étranger, et avec des invités lors de débats. De son côté, Franceinfo suivait la commémoration de l’appel du 18 juin avec les cérémonies en France et au Royaume-Uni.
France Culture a également consacré des chroniques et des émissions à l’appel du 18 juin. Tous les liens de ces émissions sont à retrouver dans cette Lettre, ainsi que les messages des auditeurs :
« Merci pour cet entretien, dans la matinale de France Inter, comme toujours intéressant, drôle un peu, professionnel, et le délicieux accent anglais de Mr Jackson. Inviter un historien anglais pour parler de Charles de Gaulle, j’adore l’idée. »
« Je suis un vieux pied-noir. J’avais 9 ans quand, le 17 juin 1940, Pétain proclamait : « Je fais à la France le don de ma personne pour atténuer son malheur. » Le lendemain, de Gaulle répondait : « …rien n’est perdu… j’invite les officiers et les soldats français… à se mettre en rapport avec moi. ». J’ai eu alors deux patries pendant cinq ans : la France de Vichy, et la France Libre.
18 ans plus tard, j’étais sous-lieutenant dans ma ville natale, Mostaganem. J’ai fait présenter les armes par ma section à de Gaulle, qui est passé devant moi avant d’aller prononcer un discours qu’il a conclu par : « Vive l’Algérie française ! ». (…) Les hommes politiques qui nous gouvernent déterminent-ils l’avenir ? Je crois pour ma part qu’ils chevauchent le cours des événements en tentant de le guider vers la direction qu’ils croient la meilleure, mais ils tiennent quelquefois les rênes d’un destin sauvage qui les entraîne où ils ne voulaient pas aller, aboutissement qu’ils se croient obligés ensuite de cautionner pour ne pas perdre la face. »
« Un homme exceptionnel ! Avec du recul, on se rend compte du trou abyssal entre les politiques du 21e siècle et Charles de Gaulle. De Gaulle, c’est une France forte, moderne, indépendante avec des hommes politiques qui ont pour seul objectif l’intérêt national et celui du peuple français »

En 2020, le Général de Gaulle est toujours une référence. Cet été, avec des acteurs de la vie politique d’aujourd’hui, des historiens, des archives de l’époque, le journaliste Thomas Legrand propose d’explorer ce qu’il reste de pertinent dans le gaullisme et ce qui est obsolète 50 ans après sa mort.
« De son vivant, on avait l’habitude de dire « tout le monde est, a été, ou sera gaulliste ». Aujourd’hui, c’est plus simple…tout le monde est gaulliste », observe l’éditorialiste de France Inter, à suivre chaque dimanche à 13h20 à partir du 28 juin.

La radio au service de l’Histoire

« A 49 ans, j’entrais dans l’aventure, comme un homme que le destin jetait hors de toutes les séries ». Ainsi parle, dans ses « Mémoires de guerre », celui qui donnait naissance ce 18 juin 1940 à la France libre, un général de brigade peu connu : Charles de Gaulle.

Quand il débarque à Londres le 17 juin, cet éphémère sous-secrétaire d’Etat à la guerre d’un gouvernement démissionnaire se voit « seul et démuni de tout, comme un homme au bord d’un océan qu’il prétendrait traverser à la nage ».
Le 18, en fin de journée, il se rend dans le studio du service français de la BBC. Là, un technicien lui demande de faire un essai de voix. Il dit : « La France ». Ayant reçu le feu vert, de Gaulle se met à parler.
L’Appel n’a pas été enregistré mais simplement envoyé aux archives de la BBC où un inconnu y a mis un titre de son cru : « La France reste dans la guerre ». Il l’a aussi frappé d’un tampon, « no fee », indiquant que de Gaulle n’a pas touché de cachet pour sa « prestation ».
Les enregistrements n’étaient alors pas fréquents et la BBC ne disposait que de 5 ou 6 disques, en cire, qu’il fallait, par exemple ce 18 au matin, consacrer à la reproduction du discours de Churchill aux Communes.
Même si la BBC disposait d’émetteurs très puissants, qui à cette époque avaient la valeur de véritables corps d’armée, l’Appel de de Gaulle est peu entendu.
Des journaux, à Lyon et Marseille notamment, en publient quelques extraits mais il n’en demeure pas moins qu’en cette fin juin, de Gaulle est un homme seul.
Dix ans plus tard, il écrira dans ses « Mémoires de guerre » : « Devant le vide effrayant du renoncement général, ma mission m’apparut, d’un seul coup, claire et terrible. En ce moment, le pire de son histoire, c’était à moi d’assumer la France ».

Le Général de Gaulle a-t-il lu ou vu « Autant en emporte le vent » ?… Si oui, ce propos de l’un des personnages de Margaret Mitchell a peut-être trouvé en lui un écho particulier :
« Pourtant, permettez à un inconnu de vous dire, pour vous consoler, que mourir pour son pays, c’est vivre éternellement. »

Emmanuelle Daviet
Médiatrice des antennes