Au cours de l’interview d’un collégien de 12 ans, dont l’identité a été révélée, je me suis interrogée sur la pertinence de ce choix, comme je l’avais été la veille dans l’émission « C politique » où il apparaissait à visage découvert et non accompagné d’un adulte.
L’instrumentalisation de ce jeune élève du Collège du Bois d’Aulne, visiblement à l’aise avec les médias dans sa prise de parole, mais dont on n’a pas préservé l’anonymat, pose la question du droit des mineurs. Je me suis interrogée sur la responsabilité des parents, et celle du service public.
Personne pour se poser la question des conséquences de la mise en lumière d’un enfant de 12 ans, qui s’est exprimé sans filtre, qui s’est mis à nu, lors de son retour au collège, dans le contexte dramatique que l’on connaît ?
Naïveté… maladresse… ou faute déontologique ?

La réponse de Laurence Bloch au micro de la médiatrice ce 30 octobre
Laurence Bloch : Alors je voudrais dire que cet adolescent a 12 ans et je pense que la parole de cet adolescent c’est le plus bel hommage que l’on pouvait faire à ce professeur et au corps enseignant tout entier. Je voudrais préciser que sa tutrice était avec lui, qu’elle nous avait donné son accord de même que la direction du foyer qui l’abrite. Je voudrais juste rappeler ce qu’a dit cet adolescent : « C’est mon collège et de voir à quel point c’est violent, je me suis imaginé sa souffrance et ça m’a fait mal au cœur. Je n’ai pas de religion, mais pour moi c’est un cours, c’est fait avec respect. Il n’a pas critiqué une religion, au contraire, il a proposé à certains élèves de sortir et rien ne l’obligeait à le faire. Si jamais il y a une chose qui est interdite, au fur et à mesure de plus en plus de choses vont être interdites et à un moment donné, on ne pourra plus rien faire. S’exprimer, montrer des caricatures : c’est la France. »
Voilà. Qu’un adolescent de 12 ans puisse dire ça aujourd’hui à voix haute, je crois que c’est le plus bel hommage effectivement au corps enseignant

Je vous écris parce que j’ai été particulièrement troublée d’entendre ce matin qu’un enfant de 6ème avait été invité à s’exprimer en direct sur votre antenne suite à la terrible affaire de l’assassinat du prof d’histoire.
Je suis troublée parce que cette histoire épouvantable mérite qu’on s’en saisisse et qu’on la traite avec distance et rigueur. Or un enfant de 6è, soit âgé d’environ 12 ans, ne me parait pas à même de pouvoir le faire. Que cherchez-vous en l’invitant ? De l’émotion, la démonstration qu’il existe des enfants d’immigrés qui pensent « bien » ? Qui s’élèvent contre la barbarie ? Vous rendez-vous compte de ce que vous lui faites porter ? J’en parle d’autant plus que je suis journaliste moi-même, que j’ai l’habitude d’interviewer des enfants, et je sais, comme vous sans doute, que l’interview des enfants est un art difficile qui nécessite une grande éthique de la part de l’interviewer. L’exhiber ainsi en direct en plus c’est lui faire porter une responsabilité qui n’est pas la sienne, la responsabilité de ses paroles alors qu’il n’a que 12 ans et qu’il est mêlé, malgré lui, à ce fait divers. Je suis très déçue que France Inter que j’écoute tous les jours participe à ce grand marché de l’émotion.
Je demande solennellement à ce que la charte éditoriale de vos diverses radios refuse ce genre de pratique et que vos journalistes s’engagent à réfléchir avant d’inviter un enfant de 12 ans à parler en direct d’un homme décapité.

Outrée et profondément déçue de l’interview que j’ai écoutée ce matin
Quel était votre projet ? Quelles étaient vos intentions ? En tant que chaîne publique, vous appliquez les mêmes méthodes que les « chaînes d’information en continu », faire le BUZZ.
Connaissez-vous seulement l’histoire de cet enfant ? Déscolarisé pendant de nombreuses années, ce qui paraît impensable à l’écoute de sa maîtrise de l’art oratoire, ce jeune garçon est sous la « responsabilité » de l’ASE. Il a rejoint l’école primaire de mes fils l’année dernière et fréquente cette année le collège tristement « célèbre » du Bois d’aulne.
Dès son arrivée en CM2, il a rencontré de nombreux problèmes de comportement qui ne sont en aucun cas liés à des tensions inter-religieuses, comme le laisse entendre l’entretien de ce matin.
Vos journalistes ont-ils pris la peine d’interroger l’équipe éducative ou la vie scolaire du dit collège ? Je présume que non car ils auraient réfléchi à deux fois avant de commettre la même erreur que LCI, France 5 et consœurs.
Le passé de cet élève n’a pas été évident, son présent n’est pas facile et grâce à ce coup de projecteur médiatique, son futur risque de s’obscurcir…
Vous avez jeté cet enfant en pâture, j’espère que vous serez présents quand il aura besoin de soutien… Je crains que non, la broyeuse médiatique sera passée à une autre actualité…
Continuez à prendre soin de vos vedettes et laissez les enfants à leur triste sort.

J’ai été très gêné que vous interviewiez ce matin un enfant de 12 ans du collège de Conflans.
Je voudrais vous dire combien je désapprouve cette pratique, dont je pensais qu’elle était contraire à l’éthique journalistique.
Malaise et inquiétude devant la mise en danger de ce gamin, même si lui-même avait déjà été très exposé, cela ne justifie pas, me semble-t-il, cette interview.

Ma stupéfaction de vous entendre donner le nom et les coordonnées scolaires de ce jeune, ce que, à bon escient me semble-t-il, condamne pour ce qui concerne le parent d’élève qui a lancé la « campagne » de dénigrement qui a conduit au drame que l’on connaît. Espérons qu’il n’arrivera rien de grave à ce gamin jeté en pâture pour faire le buzz, dont les journalistes en studio terminent les phrases hésitantes. De mon point de vue, c’est irresponsable. Casting d’enfer : jeune, élève, black, athée, orphelin avec sa tutrice…

Je viens de voir que la matinale de demain invite un élève du professeur assassiné.
Je trouve très choquant que France Inter utilise cet enfant pour faire de l’audience au lieu de le laisser digérer à sa façon. Ça me paraît même contraire aux droits de l’enfant. C’est décevant.

Comment peut-on mettre en danger un gamin en le faisant témoigner de ce qui se passe dans son collège, tandis qu’un prof vient protégé par l’anonymat …?
Avez vous conscience de votre responsabilité quand à l’avenir proche de ce gamin lors de son retour en classe ?
Je suis atterré !!!!!!

J’ai longuement réfléchi avant de vous interpeller. Auditrice de France Inter depuis plus de 20 ans, j’ai pour habitude de garder pour moi mes désaccords avec vos choix éditoriaux. A mon sens c’est ce qu’implique le respect de la liberté de la presse : accepter que certains choix soient meilleurs que d’autres, puissent nous déplaire ou nous choquer mais là vraiment je ne m’attendais pas à cela. On s’attend de la part de professionnel.les de votre envergure à un peu de hauteur et de recul. Votre participation à l’exposition d’un jeune homme, dont certes les propos sont intéressants, me déçoit, me choque, me peine et m’interroge.
Vraiment s’il s’agissait de votre enfant, l’auriez-vous ainsi exposé ? Ce jeune homme est apparemment confié aux services sociaux. Il n’a donc peut-être pas des parents pour faire barrage et veiller à ce que ses déclarations ne le mettent pas en danger. Son visage, son nom, sa vie, son établissement sont exposés dans un climat que je ne vais pas vous détailler. Je m’interroge : avez-vous réellement pris le temps de la réflexion ? Et cette question : avez-vous peur ? C’était votre rôle d’avoir peur pour lui. La protection des sources, ce n’est pas juste un gadget. C’était à ce point important de faire comme vos confrères et consœurs ? Il n’y a rien au-dessus de votre métier ? Ce garçon fait preuve de beaucoup de courage, je ne peux en dire autant de la profession. Et dans cette période où le respect fait défaut, où nos valeurs s’effondrent, quel meilleur moyen de donner raison aux détracteurs du journalisme ?

Après lui avoir dit ……. »vous avez pleuré »… vous lui avez posé la question, je cite texto ! « c’est à dire ? » !!
Il n’y avait rien de plus à dire sur le fait d’avoir pleuré, un petit silence aurait été mieux que votre « c’est à dire ? »
J’ai pleuré moi aussi en apprenant cette effroyable, cette horrible nouvelle, lorsque j’ai découvert sur le JDD le visage de Samuel Paty.
Vous aussi peut-être, sans doute.
Ce « c’est à dire » concernant le fait d’avoir pleuré était tellement inutile

Pouvez-vous m’expliquer l’intérêt de la question ce matin à vos deux invités : – Qu’avez-vous ressenti en apprenant la mort de Samuel Paty ? J’attends autre chose des journalistes de France Inter que de jouer de l’émotionnel pur.

Pendant l’émission d’Ali Baddou ce midi a été passé le témoignage d’un collégien disant tout le bien qu’il pensait du professeur assassiné et de sa pédagogie.
Après quoi ont été répétés le nom de ce garçon de 6ème et du collège qu’il fréquente.
La bêtise étant ce qu’elle est, il me paraît bien imprudent d’avoir communiqué ces informations.
Qui sait si ce jeune ne va pas, en raison de son témoignage, être harcelé sur les réseaux sociaux ou, pire, faire l’objet de représailles de la part d’un endoctriné ignare ?
Réfléchissez avant de donner des noms d’enfants…

Faire parler, (en fait parler à sa place) un enfant de 12 ans qui est passé dans tant de médias, en courant derrière la « concurrence », imposer un discours prévu et rebattu de plainte contre la hiérarchie à un enseignant digne et porteur d’un message d’éthique
Je me demande ce qu’il faut encore à la chaîne pour voir l’erreur de casting. Merci pour votre travail, par ailleurs.