Manifestation parisienne du 1er mai. 16 à 17 000 manifestants selon les autorités. 70 000 selon la CGT. Quatre fois plus… Qui croire ? De tels écarts sont-ils sérieux ? Vous êtes nombreux à vous étonner d’entendre des chiffres disproportionnés sur les antennes.

Cet auditeur toulousain, comme d’autres, se dit surpris de ce qu’il a entendu le 1er mai sur France Info : « Il y avait 1 800 manifestants selon la police à Toulouse, 12 000 selon les organisateurs. Un tel écart devrait imposer une vérification de la part des journalistes. Et donc compter… ». Les reporteurs qui couvrent ce type d’événement n’ont évidemment pas le temps, ni, surtout, les moyens de compter le nombre de manifestants. Ils peuvent estimer – par expérience – que la manifestation est peu ou très suivie, mais pas plus… Pour éviter tout reproche, les journalistes ont pris l’habitude de donner les deux chiffres : celui de la police et celui des organisateurs. Or, depuis quelques temps, l’écart entre les deux est devenu abyssal ; cela frise de plus en plus le ridicule et la contre-vérité.

Qui croire ?

En fait, d’une manière quasi générale, les chiffres transmis par les organisateurs des manifestations sont très largement surestimés, d’où cette impression de grand « n’importe quoi ». Comme le raconte Médiapart, plusieurs médias, étonnés de tels écarts, ont pris la peine lors d’une manifestation sur les retraites d’assurer eux-mêmes un comptage : « Les chiffres étaient bien en deçà du comptage syndical et proches de ceux du corps policier ». Et d’ajouter : « Pour peser, exister dans l’espace public et médiatique, les syndicats ont peu de moyens et ne se privent donc pas de gonfler les chiffres, au risque de perdre leur crédibilité ».

Selon la police…

Après les « Manifs pour tous » dont le nombre de participants variait de un à huit, une étude a été menée par trois personnalités indépendantes : Dominique Schnapper, ancienne membre du Conseil constitutionnel et directrice de l’Ecole des hautes études en sciences sociales, Pierre Muller, inspecteur général de l’Insee, et Daniel Gaxie, professeur de science politique à Paris-I-Panthéon-Sorbonne. Le résultat de leur étude, publié l’année dernière, est sans appel : le comptage réalisé par la police est fiable, même s’il reste empirique. Des fonctionnaires se positionnent en hauteur sur le parcours du défilé et, à l’aide d’un compteur manuel, enregistre chaque passage de dix manifestants. Le chiffre est arrondi à la hausse pour tenir compte d’une marge d’erreur, puis transmis aux médias. Les experts ont mené eux-mêmes leur propre comptage et sont arrivés à des chiffres proches, mais un peu inférieurs, à ceux de la police.

On peut donc estimer que lorsque vous entendez les deux chiffres sur votre radio préférée, celui « selon la police » est très vraisemblablement proche de la vérité…

Bruno DENAES

Médiateur des antennes

 

Pour en savoir plus : l’article de Médiapart (La police emporte la bataille des chiffres) et celui du Monde (Comment mieux compter le nombre de participants aux manifestations).

A écouter :  le rendez-vous du Médiateur du 7 mai 2016