Le Médiateur de Radio France reçoit les remarques des auditeurs de « Secrets d’Info »: une fois par mois, les journalistes de l’émission d’investigations répondent  aux interrogations et aux critiques.

Charges sociales : quand les petits patrons filent à l’anglaise

 L’enquête de Sylvain Tronchet a suscité des réactions étonnantes. Lorsqu’une enquête porte sur les pratiques douteuses ou illégales d’une grosse société, la majorité des messages reçus montrent une indignation, voire une colère. Là, il s’agissait de pratiques pour le moins illégales de PME, souvent des artisans domicilient leur entreprise en Angleterre pour ne pas payer les cotisations sociales.
Et là, surprise, les fraudeurs suscitent une certaine sympathie. Caroline est très vindicative : « Et si vous parliez des gros poissons ! Foutez la paix aux artisans ! ». Et pour Nicky : « Il n’y a pas de raison que les grands groupes le fassent et pas les petites entreprises ! ». C’est évidemment un drôle de raisonnement, que Roland explique d’une certaine façon : « Vous parlez d’un scoop ! Ce cabinet breton qui offre ce genre de pratique est connu des entreprises et des autorités depuis 20 ans ».

On peut toujours avoir un débat sur le niveau des cotisations sociales qu’on peut trouver trop élevées ou pas chez les artisans, mais on ne peut pas s’exonérer du respect de la loi, parce qu’on la trouve trop compliquée pour la respecter. Ces méthodes restent hautement douteuses au regard de la loi. Ce genre de montage existe aussi en Espagne par exemple.

 

Financement des partis, conflits d’intérêts : les dérives de la formation des élus

L’enquête d’Elodie Gueguen sur le financement de partis politiques par de l’argent issu de la formation des élus.

Les réactions sont en demi-teinte. Certains auditeurs ne s’attaquent pas aux pratiques douteuses des partis et des élus, mais à celui ou celle qui les révèle, en l’occurrence un ou une journaliste. Pour Marc, « arrêtez avec ce raisonnement « les élus tous pourris ». Il y a des milliers d’élus dans les villages, comme moi, qui donnent énormément de leur temps et qui ne se remplissent pas les poches. Nous avons aussi besoin de formations ».

On n’a pas dit le contraire : la formation est indispensable. Les crédits alloués aux élus municipaux sont insuffisants. Mais par ailleurs, et c’était l’objet de l’enquête, certains crédits sont dévoyés par certains partis ou par des instituts de formations… Regarder les abus qui existent ou qui ont existé, c’est aussi une manière d’être plus vigilants à l’heure où les partis parlent de renouvellements des pratiques.

 

Guerre économique : comment les Etats-Unis font la loi?

L’enquête menée par Benoit Collombat à propos de la guerre économique souterraine que livrent les Etats-Unis aux entreprises françaises et européennes a suscité également beaucoup de réactions d’auditeurs. La plus fréquente, c’est celle-ci : « Pourquoi la France se laisse-t-elle piétiner ? Faisons pareil ! ». Mais est-ce possible face au géant américain ?

Un des responsables juridiques de l’OCDE, l’Organisation de coopération et de développement économiques, dont le siège est à Paris, nous a écrit. Il regrette que l’on n’ait pas indiqué que « la France a souscrit des obligations internationales au niveau de l’OCDE et de l’ONU concernant la corruption internationale. Or, à ce jour, nous dit-il, aucune entreprise française n’a été condamnée par la justice française pour ce qu’elle qualifie pourtant de crime ».

Il ne s’agit pas de blanchir les pratiques des entreprises françaises. Si elles sont ciblées par la justice américaine, c’est qu’elles offrent un boulevard en matière de pots-de-vin. Les Américains aussi utilisent l’arme de la corruption dans les marchés internationaux, mais en imposant leurs normes et par leurs lois extra-territoriales, ils se donnent le bon rôle. Les Etats-Unis détiennent le « soft power » grâce auquel leurs mauvaises pratiques se voient moins.

 

 

 

Louvois, le logiciel qui a mis l’armée à terre

Les révélations de Philippe Reltien ont choqué un grand nombre d’auditeurs ; ils trouvent inadmissibles, comme Christian, que « ceux qui risquent leur vie pour nous soient traités de cette façon ». Beaucoup de témoignages, également, de proches de militaires, comme Christine, mère d’un jeune officier qui raconte « la précarité subie par son fils face au retard de versement de sa solde » et l’aide financière qu’elle doit lui apporter. D’autres s’inquiètent de ces militaires écœurés, dépressifs, qui quittent nombreux l’armée, alors que, comme le dit Anne, « on a besoin d’eux en ce moment ». « Des responsables incompétents, un logiciel fou et des militaires devenus surendettés, alors qu’on devrait les aider, nous écrit Mathieu qui pose cette question : Pourquoi l’État n’a-t-il aucune bienveillance à leur égard ? ».

Tout commerce qui laisserait partir  545 millions d’euros dans la nature se verrait condamné à la faillite. L’armée est condamnée à retrouver cet argent car elle utilise les fonds du contribuable. La machine à recouvrer les créances fonctionne avec le fisc. A peine 3000 soldats sur plus de 70 000 contestent devant les tribunaux administratifs, les sommes qu’on leur réclame. De ce fait, il y a des familles en détresse grave. L’armée prétend qu’elle le sait, et qu’elle les aide parfois au point d’abandonner ses créances. 83 millions d’euros ne seront jamais récupérés.