Pour en parler, Sandrine Treiner, directrice de France Culture est au micro de la médiatrice, Emmanuelle Daviet

La place des femmes sur France Culture

Emmanuelle Daviet : Je vous lis le message d’Agnès et il va nous donner l’occasion, 3 jours avant la journée internationale des Droits des Femmes d’évoquer avec vous la place des femmes sur votre antenne.
Voici le courriel de votre auditrice :

« J’écoute avec beaucoup d’intérêt la Compagnie des œuvres et en particulier la série intitulée Artistes et écrivaines malgré tout, évoquant le peu de place laissée aux artistes femmes et les femmes oubliées. C’est très bien d’avoir une série d’émissions dédiées à cet enjeu. Mais il serait encore mieux d’équilibrer vraiment la programmation de l’ensemble de vos émissions de la Compagnie des œuvres ainsi que d’autres émission comme A voix nue, etc. Je n’ai pas fait le décompte précis des émissions sur des hommes et sur des femmes, mais il me semble qu’il y a un important déséquilibre en faveur des hommes… N’y a-t-il pas moyens de suivre votre propre injonction à laisser plus de place aux femmes?
Merci pour ces belles émissions (malgré le peu de place faites aux femmes dans votre programmation). »

Emmanuelle Daviet : Sandrine Treiner, est-il réellement possible dans les programmes d’équilibrer des sujets évoquant des Hommes ou des Femmes ?

Sandrine Treiner : Non, mais il y a une raison historique…Cette auditrice parle d’émission de type « patrimonial ». Si dans l’histoire des arts et de la culture il y avait une égalité entre les femmes et les hommes, alors il y aurait eu aussi cette égalité sur le terrain politique et sur le terrain économique. Cela raconte cette même histoire, cette logique globale, mise à jour notamment par les travaux de Françoise Héritier. Mais nous venons d’un monde dominé par les hommes, y compris dans le champ de la culture. Si Matthieu Garrigou Lagrange fait des semaines de la sorte, où ce thème des « femmes oubliées de la culture », il parle de 4 personnes, c’est précisément pour mettre en relief ces femmes oubliées, en dépit du fait qu’il n’y a pas d’égalité dans le patrimoine de la culture entre les femmes et les hommes.

Le respect de la parité des voix

Emmanuelle Daviet : Je poursuis avec l’évocation d’un ouvrage, dans son livre Les coulisses de la Radio le journaliste Gérard Courchelle raconte qu’au début des année 70, la nouvelle rédaction de France Culture comptait une douzaine de journalistes dont deux jeunes femmes : Laetitia de Warren, qui était présentatrice, et Hélène Cardin alors journaliste généraliste. Et lorsque Laetitia de Warren présentait le 19h30, la grande édition du soir, le rédacteur en chef Robert Ouest interdisait à Hélène Cardin d’y intervenir parce que, écrivait-il : « Deux voix féminines dans le même journal ce n’est pas crédible pour les auditeurs. » Cet homme intelligent, courtois, d’une rigueur journalistique extrême, ne faisait qu’exprimer l’air du temps. Alors heureusement les choses ont bien changé depuis. »
Sur votre antenne, comment veillez-vous à respecter la parité des voix ?

Sandrine Treiner : 51 % des journalistes sont des femmes à la rédaction de France Culture. Sur l’antenne de France Culture, si on additionne les productrices, les journalistes, nous sommes quasiment à parité. Cela prend du temps, car il ne s’agit pas seulement d’agir de manière autoritaire, il s’agit aussi de faire partager cette préoccupation et que chacune et chacun l’intègre dans le quotidien de sa vie professionnelle. Cela passe par des objectifs chiffrés. On est arrivés à la conclusion qu’il n’y avait pas d’autre manière de changer le monde. C’est parce qu’on les choses de manière volontariste, que chacun en prend l’habitude et ensuite on peut agir de manière plus conventionnelle.

Equilibre des invités ?

Emmanuelle Daviet : Accordez-vous une importance particulière à l’équilibre de vos invités Hommes/Femmes ?

Sandrine Treiner : Toutes les productrices et producteurs, et les journalistes y attachent une importance tout à fait évidente. Parce que c’est performatif, on change le monde, en changeant ses voix et sa représentation. Car on vient d’un monde, quand on regarde les archives, où il manquait des regards féminins. Il faut que la diversité s’entende au micro de France Culture. Merci à toutes les équipes, car c’est un gros travail.

Le dispositif sur l’antenne de France Culture pour cette journée du 8 mars 2020

A l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, France Culture explore du 1er au 12 mars les territoires qui restent à conquérir : pouvoir, avortement, ambition, espace public… Dans Les Matins, Guillaume Erner s’entretient avec Michelle Perrot, Tewfik Hakem reçoit les documentaristes Mariane Khoury et Anastasia Mikova, Florian Delorme consacre une semaine de CulturesMonde aux injustices persistantes et Emilie Aubry assurera un Esprit Public 100% féminin en direct et en public de l’Odéon-Théâtre de l’Europe…