Iannis Roder, professeur agrégé d’Histoire Géographie et responsable des formations au Mémorial de la Shoah, explique la différence entre antisémitisme et antisionisme.

Lutte contre l’antisémitisme : résolution LREM à l’Assemblée ce 3 décembre

L’Assemblée nationale examine ce mardi 3 décembre une proposition de résolution initiée par LREM pour une meilleure définition et reconnaissance de l’antisémitisme.
Cette proposition de résolution transpartisane, sans valeur contraignante, suscite des critiques jusque dans la majorité, alors que le sujet des religions a ressurgi sur fond de débat ravivé sur le port du voile et la laïcité.
La proposition de résolution est proposée par Sylvain Maillard, élu LREM de Paris et président du groupe d’études de l’Assemblée nationale sur l’antisémitisme.
Constatant « une résurgence de l’antisémitisme », souvent sous de « nouvelles formes » qui « avancent masquées », il suggère de reprendre la définition de l’Alliance internationale pour la mémoire de l’Holocauste (IHRA), déjà validée par plusieurs pays et appuyée par Emmanuel Macron, en février dernier devant le Conseil représentatif des institutions juives de France. Le président avait alors affirmé vouloir élargir la définition de l’antisémitisme à l’antisionisme.
Selon la définition de l’IHRA, « l’antisémitisme est une certaine perception des juifs qui peut se manifester par une haine à leur égard. Les manifestations rhétoriques et physiques de l’antisémitisme visent des individus juifs ou non et/ou leurs biens, des institutions communautaires et des lieux de culte ».
Cette définition « constituerait un instrument efficace de lutte contre l’antisémitisme dans sa forme moderne et renouvelée, en ce qu’elle englobe les manifestations de haine à l’égard de l’Etat d’Israël justifiées par la seule perception de ce dernier comme collectivité juive », précise la proposition de résolution.
Celle-ci invite le gouvernement, « dans un travail de pédagogie, à diffuser (cette définition) auprès des services éducatifs, répressifs et judiciaires ».

De leur côté, 127 intellectuels juifs appellent l’Assemblée nationale à s’opposer ce mardi 3 décembre à cette proposition.
« Nous, universitaires et intellectuels juifs, d’Israël et d’ailleurs, dont beaucoup de spécialistes de l’antisémitisme et de l’histoire du judaïsme et de l’Holocauste, élevons notre voix contre cette proposition de résolution », écrit ce collectif dans une tribune au Monde daté du mardi 3 décembre.
Parmi les signataires figurent plusieurs professeurs – ou ex-professeurs – en poste à Paris, Oxford (Angleterre), Princeton (Etats-Unis) ou encore Jérusalem.
Selon le collectif d’intellectuels juifs, la résolution est « hautement problématique ». D’abord parce qu’elle « assimile (…) l’antisionisme à l’antisémitisme ». Or « pour les nombreux juifs se considérant antisionistes, cet amalgame est profondément injurieux », affirme le collectif.
« De nombreuses victimes de l’Holocauste étaient antisionistes », rappelle le collectif.
« Pour les Palestiniens, le sionisme représente la dépossession, le déplacement, l’occupation et les inégalités structurelles. (…) Ils s’opposent au sionisme non par haine des juifs, mais parce qu’ils vivent le sionisme comme un mouvement politique oppressif ».
La deuxième raison est que la définition de l’antisémitisme de l’IHRA elle-même serait « hautement problématique », « peu claire et imprécise ».
Elle est en outre « déjà utilisée pour stigmatiser et réduire au silence les critiques de l’Etat d’Israël, notamment les organisations de défense des droits humains », estime le collectif.
« Nous ne pouvons pas considérer cela comme indépendant de l’agenda politique principal du gouvernement israélien visant à enraciner son occupation et son annexion de la Palestine », estiment les signataires qui s’inquiètent de voir « un soutien politique, jusqu’en France ».

La proposition de résolution examinée en début de soirée mardi 3 décembre au Palais Bourbon a été cosignée par une centaine de députés de divers bords, dont environ 80 LREM seulement.
Deux « marcheurs », Gwendal Rouillard et Fadila Khattabi, ainsi qu’une poignée de députés PCF et MoDem, ont demandé dans Le Monde le retrait du texte, qui « répond de manière très contestable à de vraies questions » de lutte contre l’antisémitisme.
« Sauf à envoyer un message politique désastreux, il ne peut être question de renoncer à ce projet, approuvé de longue date par le bureau de notre groupe », a répondu lundi son patron Gilles Le Gendre dans un courrier interne dont l’AFP a eu connaissance. M. Le Gendre dit cependant « prendre en compte » les préoccupations de certains en acceptant la création d’une mission d’information « sur l’évolution des différentes formes de racisme et de discrimination ».
Quant au délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrah), Frédéric Potier, a assuré dans le quotidien que « la définition (de l’IHRA) n’interdit pas la critique de la politique de l’Etat d’Israël » mais constitue « un instrument supplémentaire permettant de mieux décrypter la haine à l’encontre des juifs ». (avec AFP)

Quelle est la différence entre l’antisémitisme et l’antisionisme ? Les explications de Iannis Roder, professeur agrégé d’histoire et formateur au Mémorial de la Shoah